Entrevistas

Interview accordée par le commandant en chef Fidel Castro à la presse nationale après avoir exercé son droit de vote

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(Après avoir salué l’assistance, le commandant en chef engage une conversation avec les électeurs et les membres de la table électorale, avant d’exercer son droit de vote.)

Journaliste Ana T. Badia.- Quel plaisir de vous voir, commandant ! Nous vous le disons de tout notre cœur.

Fidel Castro.- Moi aussi, je suis ému et très content de m’entretenir avec vous.

Journaliste Ana T. Badia.- Nous voici, comme toujours, commandant, et nous vous souhaitons une bonne santé.

Fidel.-
Vous êtes journalistes ?

Ivia Pérez Reyes.- Oui, ils sont tous journalistes, de Granma, de Trabajadores...

Fidel.-
De la presse cubaine ?

Ivia Pérez Reyes.-Tous des Cubains.

Journaliste Fabiola Lopez.-Et de la chaîne TeleSur.

Ivia Pérez Reyes.- Ah, c’est vrai, Fabiola est là aussi.

Fidel.- Qu’est-ce que c’est que ce bruit ?

Écolier.- Ce sont les flashes des appareils photo.

Fidel.- Oui, je sais, mais on aurait cru des mitraillettes.

Journaliste Ana T. Badia.-
On ne va pas vous demander pour qui vous avez voté, parce que c’est secret…

Fidel.-
Je suis très satisfait de la liste des candidats.

Journaliste Ana T. Badia.-
Commandant : avez-vous suivi le déroulement des élections dans tout le pays pendant la journée ? Qu’en pensez-vous ?

Fidel.-
Oui, je suis les informations. Il paraît qu’on a aménagé une autre entrée. Il me semble qu’il y avait un escalier par ici.

Journaliste Ana T. Badia.- Il y a eu des modifications et on a placé l’entrée de ce côté.

Fidel.- C’est une bonne idée.

Journaliste Gladys Rubio.- Bien sûr, c’est plus pratique et il n’y a plus de marches à monter. Avez-vous des nouvelles d’Hugo Chavez ?

Fidel.- De Chavez ? Bien sûr, tous les jours. Il se remet, selon le dernier bulletin que j’ai reçu aujourd’hui, dimanche 3, vers midi.

Journaliste Gladys Rubio.- Son état de santé s’améliore.

Fidel.- Oui, même s’il a vécu des jours difficiles et durs. Nos médecins s’occupent de lui. C’est tout ce que je puis vous dire, car c’est une information qui relève du Gouvernement bolivarien et de sa famille.

Journaliste Ana T. Badia.-
Et ces votes ont été un peu… car il a plu. Mais ensuite les gens sont sortis, et il y a pas mal de monde… Le vote a bien avancé.

Fidel.- À propos, un médecin m’a dit qu’il était passé à son bureau de vote et qu’il ne manquait que quatre personnes pour que le scrutin soit terminé. Combien de gens ont déjà voté ici ?

Journaliste Ana T. Badia.-
Un peu plus de trois cents, pour un taux de participation de près de 90% jusqu’à présent.

Fidel.- Et les autres n’ont pas voté ?

Journaliste Ana T. Badia.- Pas encore, car il y a encore beaucoup de gens qui travaillent, et d’autres sont à l’étranger, m’a expliqué la présidente de la table électorale.

Fidel.- Ah bon, ils sont à l’étranger, mais ils ne peuvent pas voter…

Journaliste Ana T. Badia.-
Si, ils peuvent voter.

Fidel.- À l’étranger ?

Journaliste Ana T. Badia.-
Non, j’ignore si ceux qui sont à l’étranger pourront voter, mais ceux qui travaillent à Cuba peuvent le faire dans un autre bureau de vote.

Fidel.- Je pense que quelqu’un peux voter dans un autre bureau de vote, s’il en demande l’autorisation.

Journaliste Ana T. Badia.-
Voilà. Tout comme nous avons voté ici.

Fidel.- Ici-même ?

Journaliste Gladys Rubio.-
Oui.

Fidel.- Il s’en est fallu de peu que je ne vous voie pas (Rires).

Journaliste Gladys Rubio.- Ah, c’est comme ça !

Fidel.- Nous sommes tellement organisés que je l’ignorais…

Journaliste Gladys Rubio.- Nous sommes arrivés de très bonne heure pour voter pour nos députés.

Fidel.-
Et vous êtes journalistes ?

Journaliste Gladys Rubio.-
Journaliste à 100%.

Fidel.- Vous avez le droit de voter, où que vous soyez ?

Journaliste Gladys Rubio.- En effet.

Fidel.- Et combien de reportages avez-vous faits jusqu’à présent ?

Journaliste Gladys Rubio.- Eh bien, nous vous avons attendu toute la journée. On voulait aussi savoir si vous alliez venir ou envoyer votre bulletin de vote. Nous avons interviewé pas mal de gens ici, dont des jeunes et des enfants.

Fidel.- Ils avaient aménagé un petit hall pour les élections d’octobre, et ils ne m’avaient rien dit…

Journaliste Gladys Rubio.- Comment vous êtes-vous décidé à venir ?

Fidel.-
Le membre de la Commission électorale m’a convaincu. Je m’étais enquis auprès de plusieurs camarades qui travaillent avec moi du nombre de marches et de la hauteur de l’escalier d’entrée. On m’a dit qu’il y avait huit marches, ce qui est exact. Vous savez, ma fracture du genou provoquée par ma chute à Santa Clara, en octobre 2004, deux ans avant de tomber malade en juillet 2006, m’a elle aussi passé facture.

Journaliste Ana T. Badia.- Commandant, que pensez-vous du nombre élevé de femmes au Parlement ?

Fidel.- Cela me semble très bien, et cela m’a permis de… Bon, je ne vais pas le dire, parce que c’est un secret (Rires), mais il y avait trois femmes parmi les candidats.

Journaliste Ana T. Badia.- Vous avez certainement voté pour les femmes…

Fidel.-
À votre avis ?

Journaliste Ana T. Badia.- Je crois que oui (Rires). Les femmes représentent près de la moitié du Parlement.

Fidel.- Je ne viole aucune loi si… ?

Journaliste Ana T. Badia.- Vous n’enfreignez aucune loi en nous le disant.

Fidel.- Eh bien oui, c’est vrai.

Journaliste Ana T. Badia.- Vous voyez ? Vous avez bien voté pour les femmes.

Fidel.- Oui, et pour qu’ils ne se sentent pas discriminés, j’ai aussi voté pour un candidat homme… (Rires).

Journaliste Ana T. Badía.-
Merci beaucoup.

Fidel.- Si quelqu’un vient me demander des comptes, je vous appelle… (Rires).

Journaliste Ana T. Badia.- C’est d’accord.

Fidel.-
Je me réjouis aussi de constater qu’ici aussi les femmes journalistes représentent la majorité.

Journaliste Ana T. Badia. -
Oui, nous sommes la majorité.

Fidel.- C’est quoi cet appareil ?

Journaliste Ana T. Badia. -
C’est un magnétophone, commandant.

Fidel.- Un magnétophone. Est-ce qu’ils sont chers ou bon marché en ce moment ? Et les piles, combien ?

Journaliste Ana T. Badia.-
Les piles coûtent un peu plus cher en ce moment, de même que les batteries, qui sont rechargeables.

Fidel.-
Oui. Et vous, qu’est-ce que vous avez comme appareil ?

Journaliste Amaury del Valle.- C’est un téléphone portable qui fait fonction de magnétophone, commandant.

Fidel.- Ah bon ? Je me sers souvent de ce genre d’appareils, avec l’aide de mes camarades, bien sûr. Qui est cette petite ? (Il signale une écolière qui surveille l’urne).

Maria Antonia Puertas.- Cette fillette est ici depuis 6 heures du matin, commandant.

Fidel.- Lui a-t-on apporté à déjeuner ?

Maria Antonia Puertas.-
Oui, elle a déjeuné, mais elle est arrivée tôt le matin.

Journaliste Gladys Rubio.-
Oui, tout le monde a déjeuné.

Fidel.- Combien d’erreurs on peu commettre faute d’informations !

Journaliste Gladys Rubio.- Bon, vous êtes au courant pour la prochaine fois.

Fidel. - Quand je pense… Bon, je serai éternellement reconnaissant à Santiaguito (Rires).

Journaliste Gladys Rubio.- Oui, c’est Santiaguito qui vous a convaincu.

Fidel.- Oui, c’est le membre de la Commission électorale. Il m’a dit : « Allez, vous avez juste quelques pas à faire ». Je pensais qu’il exagérait, qu’il essayait de raccourcir l’escalier, et j’ignorais même qu’il y avait une nouvelle entrée.

Journaliste Gladys Rubio.- Mais les modifications sont faites depuis le mois d’octobre !

Fidel.- C’est ce que m’a expliqué la responsable du Bureau de vote à mon arrivée.

Gladys Rubio.-
Bon, maintenant vous êtes au courant.

Fidel.-
Au mois d’octobre, lors des élections des délégués municipaux, le peuple se demandait : « Pourquoi Fidel n’est-il pas venu voter ? ». J’ignorais tous ces changements. C’est complètement différent. Je ne peux pas croire que j’ai failli ne pas venir et que vous seriez tous restés là, à m’attendre encore une fois.

Journaliste Gladis Rubio.-
Mais vous êtes venu.

Fidel.- J’aime défier les escaliers.

Journaliste Ana T. Badia.- Je m’en réjouis, commandant. Je trouve aussi que cet endroit regorge d’histoire aujourd’hui.

Fidel.-
Quoi de plus ?

Journaliste Ana T. Badia.-
Je disais que cet endroit est chargé de symbolisme et d’histoire, commandant, depuis le début des élections dans le pays, car c’est ici que vous venez habituellement voter. Je trouve que c’est un endroit chargé d’histoire.

Fidel.- J’ai consacré pas mal de temps à la question électorale, et nous avons progressivement gagné en expérience et je m’en réjouis, car, malgré toutes les bêtises véhiculées par certains, je pense que nous avons un vrai processus électoral. Aussi bien les députés à l’Assemblée nationale et les délégués des Assemblées provinciales, que les candidats à ces fonctions sont élus par le peuple, sans intervention de l’État ou du Parti. Avant, je ne disposais pas de beaucoup de temps, mais à présent je vois les assemblées de quartier où les gens discutent et proposent, le moment venu, leurs candidats. En est-il ainsi dans les pays capitalistes ? Combien de votants y a-t-il aux États-Unis, dans ce pays qui se pose en champion de la démocratie ? Même pas 50% !

Journaliste Ana T. Badia.- De plus, aux États-Unis les élections ont lieu un jour de travail.

Fidel.- Oui, est parce que c’est un jour de travail ils ne laissent pas voter les travailleurs. Beaucoup de grandes entreprises le font.

Journaliste Ana T. Badia.- Et les députés sont des professionnels, ce qui n’est pas le cas ici.

Fidel.- Où ça ?

Journaliste Ana T. Badia.- Aux États-Unis et dans d’autres pays, les membres du Parlement ne travaillent pas. Chez nous, ils doivent poursuivre leur métier d’instituteur, de médecin, d’ouvrier…

Fidel.- Beaucoup de députés dans ces pays sont maîtres dans l’art d’augmenter leurs salaires.

Journaliste Gladys Rubio.- Commandant, j’ai trouvé particulièrement intéressante et émouvante la réunion de la CELAC (Communauté des États latino-américains et caribéens), dont notre pays a assumé la présidence le 28 janvier, et qui marque la date de l’anniversaire de la naissance du Héros national José Marti.

Fidel.- Bien sûr, et j’ai pu en suivre tout le déroulement à la télévision.

Journaliste Gladys Rubio.- Vous n’écrivez pas en ce moment ?

Fidel.- Je répondrai volontiers à ta question, mais permettez-moi, avant tout, d’exprimer mon opinion sur un fait qui m’a semblé digne d’intérêt. J’ai lu aujourd’hui une dépêche d’une agence de presse affirmant que des restes de l’homme de Neandertal, datés d’environ

200 000 ans, ont été retrouvés dans une grotte des Pyrénées orientales, en Espagne. Il semble qu’il serait même plus intelligent que l’Homo sapiens. Plusieurs dépêches précédentes parlaient même de l’existence d’une troisième espèce ayant coexisté avec sapiens. Les scientifiques n’arrivent pas à se mettre d’accord sur ce sujet.

D’autres dépêches aux répercussions plus immédiates évoquent la colonisation des planètes et des astéroïdes. Une entreprise privée néerlandaise envisage même de coloniser Mars. Elle recrute des jeunes pour les entraîner. Ils pensent que ce serait comme un voyage pour les Amériques depuis l’Espagne. Cependant, les volontaires doivent signer un contrat s’engageant à rester là-bas afin de remplir leur mission de colonisation, sur Mars, qui a une orbite et une gravitation différentes. Que c’est beau ! Cette entreprise recrute des jeunes, dont beaucoup s’embarquent tranquillement. Ce sont des informations dont la presse se fait de plus en plus l’écho, et qui témoignent des perspectives incertaines de l’aventure humaine.

Il y a d’autres informations de plus en plus réalistes dérivées de calculs précis et irréfutables. La population mondiale s’accroît à un rythme que l’on n’aurait jamais imaginé, au long de centaines de milliers d’années. La population a mis plus de 1 500 siècles pour atteindre un total de près d’un milliard en 1800. Un siècle plus tard, en 1900, ce chiffre s’est élevé à 1,65 milliard ; 50 ans plus tard, en 1950, à 2,518 milliards ; en 1975 à 4,088 milliards, en 2000 à 6,070 milliards, et en 2011 à 7 milliards. La population mondiale augmente d’environ plus de 100 millions d’habitants par an. Et ce chiffre incroyable continuera d’augmenter. Il y a une grande ignorance sur le monde dans lequel nous vivons. Ces sujets sont ignorés par beaucoup.

Par ailleurs, jamais dans l’histoire les guerres ont pu être évitées. Les armes se développent à un rythme accéléré. Des canons électromagnétiques peuvent propulser des projectiles à des distances de plus de 200 kilomètres. Les pays les plus développés informent de découvertes scientifiques et technologiques incroyables au service de la destruction et de la mort.

Journaliste Ana T. Badia.-
Vous faisiez précisément allusion à la fin de l’espèce humaine, et vous adressiez des mises en garde importantes au monde contre cette possibilité.

Fidel.- La dernière guerre mondiale donna lieu à deux bombes lancées sur les populations civiles à Hiroshima et Nagasaki, qui tuèrent des milliers de personnes et en irradièrent davantage.

Il suffirait d’un petit pourcentage des nombreuses armes nucléaires disséminées dans le monde par les puissances qui en détiennent pour provoquer l’ « hiver nucléaire », qui est incompatible avec la survie de l’Homme. Si je réfléchis à ces choses-là, c’est aussi parce que j’en ai le temps. Ce qui n’est pas le cas avec le travail quotidien.

Journaliste Ana T. Badia.-
Le monde peut éviter ce genre de choses, commandant. L’homme peut éviter la guerre, s’il le veut, commandant.

Fidel.- Je pense que l’Homo sapiens n’a pas suffisamment évolué pour pouvoir éviter une guerre. Malheureusement, les instincts et les égoïsmes prévalent dans les rapports entre les hommes.

Journaliste Ana T. Abadia.-
Et il y a les drones…

Fidel.- L’impérialisme et ses alliés ont fait de l’industrie militaire le secteur le plus prospère et privilégié de leur économie. Leurs agences diffusent chaque jour des informations sur la mise au point des engins de destruction et de mort les plus incroyables, et des codes sont élaborés pour leur emploi. Les droits des personnes, qui existent depuis des siècles, ont été balayés. Tuer et détruire sans aucune limite, telle est leur philosophie. Une telle attitude provoque logiquement des réactions de la part de leurs adversaires suffisamment avancés technologiquement et scientifiquement pour fabriquer des armes capables de contrecarrer, voire dépasser ces armes.

Que va-t-il se passer au Japon avec les îles qu’ils ont volées à la Chine ? Que gagnent les États-Unis à protéger le Japon dans ce différend ? Parce que, jusqu’à présent, il me semble que ce point ne figurait pas dans l’accord de protection. Et l’argument du gouvernement des États-Unis de vouloir inclure cette question dans l’accord provoque de grandes tensions dans la région. Certains journaux ont indiqué que les Chinois se préparent afin de répondre à toute provocation de la part de leurs adversaires traditionnels. Si on a le temps, on peut s’informer et étudier ces problèmes.

Est-on parvenu, ne serait-ce qu’une seule fois dans l’histoire, à éviter les guerres ? Et la Crise d’Octobre ? Notre pays fut sur le point de devenir un champ de bataille nucléaire à l’époque. Et plus tard, dans le sud de l’Afrique, alors que nous aidions les Angolais à combattre les troupes racistes sud-africaines ? Il y avait là-bas… 50 000 hommes, soldats cubains et angolais confondus. Nous fûmes exposés à deux reprises au danger d’une frappe nucléaire. Vous me parliez de la réunion de Santiago du Chili…

Journaliste Ana T.- Badia.- Du Sommet de la CELAC.

Fidel.- La CELAC a représenté un progrès, un progrès réalisé dans une large mesure grâce aux efforts de Chavez. Hugo Chavez est l’une des personnalités qui ont le plus œuvré en faveur de la liberté et de l’union de ce continent. Il y a eu d’abord Simon Bolivar. Si tu réfléchis un peu, tu t’aperçois que Bolivar et Marti avaient les mêmes idées, comme l’a signalé Raul lorsqu’il parlait des observations de Marti sur Bolivar. Il y avait une grande fraternité entre les deux hommes.

Vous avez vu les campagnes orchestrées contre Chavez au Venezuela. C’est horrible ! Les Vénézuéliens et les Cubains ont toujours été très proches. À Cuba, la bourgeoisie est partie à Miami ou au Venezuela, un pays qui était plus riche que le nôtre. Chavez a acquis un prestige énorme. Le peuple a répondu, et il ne s’agit pas d’une simple consigne lorsqu’ils peuvent dire : « aujourd’hui, les transports nous appartiennent, pour la première fois de ma vie, j’ai une maison, j’ai un emploi, une école, un hôpital, plus d’espoirs que jamais… ». Il a tout donné pour son peuple.

Quand il était en pleine bataille, il était tellement consacré à ces tâches qu’il en a oublié sa santé. C’est un bel exemple, inspiré de Bolivar et de l’histoire héroïque de son peuple. Bolivar porta ses idées d’indépendance et ses soldats depuis la mer des Caraïbes jusqu’aux frontières de l’Argentine. C’est ce qu’a signifié la bataille d’Ayacucho, où les partisans de l’indépendance achevèrent de briser les reins de l’empire colonial espagnol.

Plus de la moitié de la population mourut. C’est la seule grande personnalité de l’histoire qui acquit sa célébrité en libérant les peuples ; les autres ne firent que conquérir la gloire et les richesses, depuis Alexandre jusqu’à Napoléon Bonaparte. Napoléon passa de révolutionnaire à empereur. Il envahit la Russie. Vous avez peut-être vu les films La guerre et la paix et Libération… Ils sont assez instructifs.

Mais bon… Et les prochaines élections, c’est pour quand ? (On lui dit qu’il faudra encore attendre quelque temps, que celles-ci sont générales). Bon, il ne faut pas que je vous oublie, vous qui êtes ici depuis le matin, et je m’excuse de mon ignorance.

Journaliste Gladys Rubio.- Je vous en prie… Le peuple sera très content de vous voir et de savoir que êtes venu.

Fidel.- Et moi qui ne me doutais de rien… Mais vous savez, on a des choses à faire, peu importe les jours, les mois ou les années dont on dispose. Rassurez-vous, je ne suis pas inquiet là-dessus. Mais j’aime bien profiter du temps, et cet entretien avec vous est la meilleure manière d’employer le temps. Vous pouvez me poser toutes les questions que vous voulez.

Journaliste Gladys Rubio.-
Vous savez, cela a été une énorme surprise de vous retrouver ici. Nous nous attendions à ce que ce soit Santiago qui amène vos bulletins.

Fidel.- Oui…

Journaliste Gladys Rubio.- On attendait Santiago, et lorsqu’on vous a vu entrer…

Cela a été une occasion unique.

Fidel.- Moi, j’appellerais plutôt cela de la chance. J’aurais beaucoup regretté ne pas être venu, et j’aurais honte d’avoir laissé passer l’occasion de parler ouvertement avec vous sur des sujets qui vous intéressent. Mais… Racontez-moi un peu… Comment se déroulent les élections dans le reste du pays ?

Journaliste Ana T. Badia.- Plutôt bien jusqu’à présent. D’après le dernier bulletin publié vers 16 heures, plus de 77% des électeurs s’étaient rendus aux urnes.

Journaliste Gladys Rubio.- Le bulletin de 14 heures indiquait que 77% des électeurs avaient voté.

Fidel.- Ah bon ?

Journaliste Gladys Rubio.- N’oublions pas qu’il a plu, mais malgré la pluie, 77%, c’est quand même pas mal.

Fidel.- Mais ce n’était quand même pas l’ouragan Flora…

Journaliste Gladys Rubio. - Non, il est tombé une pluie fine.

Fidel.- Un petit peu de pluie froide.

Journaliste Gladys Rubio.- Mais 77%, c’est déjà un pourcentage considérable pour 14 heures, n’est-ce pas ?

Fidel.- Comment se passent les choses par rapport à d’autres élections, vous qui avez les statistiques.

Journaliste Gladys Rubio.- Pour 14 heures, c’est assez bien. Autrefois, on a enregistré un taux de plus de 95%, mais à la fin de la journée. Pour 14 heures, c’est bien.

Fidel.- Allons-nous devenir une société comme celle d’avant, où les gens n’allaient pas voter ?

Journaliste Gladys Rubio.- Non, pas du tout ! Notre peuple a maintes fois confirmé son attachement à la Révolution. Nous avons un peuple très fier et enthousiaste, commandant, un peuple qui est fier de vous et de Raul.

Fidel.- Je suis convaincu que nous avons un peuple vraiment révolutionnaire. Ceci n’est plus à prouver. L’histoire l’a prouvé : 50 ans de blocus et ils n’ont pas réussi à nous faire plier, et ils ne réussiront pas ! Comme l’a dit Antonio Maceo : « Quiconque tentera de s’emparer de Cuba ne recueillera que la poussière de son sol baignée de sang ! ». Ce qui est parfaitement vrai. On vit mieux en étant libre, mais il faut apprendre à être libre, et l’on est révolutionnaire quand on peut améliorer constamment son expérience et mieux faire les choses. Parfois, nous sommes tous responsables, car nous partons d’une ignorance totale, comme c’est le cas encore dans le monde. Souvent tu ne trouves pas une seule solution, car il n’y en a pas qu’une, mais des centaines, selon la culture, les croyances et la géographie de chaque pays.

Il ne faut pas laisser prévaloir seulement l’intérêt, l’égoïsme, les instincts. La nature nous a donné des instincts et notre faculté de raison doit nous doter d’une éthique.

Fabiola Lopez.-
Que pensez-vous, commandant, des changements qui ont lieu en ce moment à Cuba ?

Fidel.- Tu parles de changements, mais la Révolution a été le grand changement. De quels changements veux-tu parler ?

Fabiola Lopez.-
Je parle des changements qui ont lieu aujourd’hui dans le cadre des Orientations de la politique économique et sociale, et de tout ce qui se fait pour actualiser notre socialisme.

Fidel.-
Et bien, en général je pense que c’est un devoir de l’actualiser et de le perfectionner, mais c’est une étape où il est indispensable d’avancer en faisant très attention. Nous ne devons pas commettre d’erreurs. Nous partons d’une époque unique et très complexe de l’histoire, et tout au long de ces 50 ans, nous avons tiré des enseignements de la vie. Cuba est le pays qui s’est le plus rapproché d’une révolution profonde, malgré la proximité de l’empire. Tout n’a pas été parfait, mais nous avons l’obligation inéluctable de perfectionner et de dépasser ce qui a été fait.

Quand je vous dis que le journaliste a une grande responsabilité dans notre société, qu’il doit consolider et parfaire ses connaissances, je le dis comme un conseil objectif et fraternel, pas comme une critique.

Bien sûr, je pense avoir rempli strictement mon devoir, mais je n’entretiens pas l’illusion que tout ira bien, que ce sera parfait et que c’est le dernier mot en matière d’organisation sociale.

Il est impossible que chaque province cherche aujourd’hui à posséder des institutions similaires à celles des plus développées, à un moment où le pays doit consacrer ses principaux efforts à la production d’aliments, étant donné les problèmes auxquels le monde sera très bientôt confronté.

Récemment, je me suis réuni avec des camarades qui travaillent dans l’élevage pour échanger des impressions sur la production d’aliments essentiels. Une question à laquelle j’ai beaucoup réfléchi ces derniers temps.

Qui contrôle la croissance vertigineuse de la population mondiale ? On pourrait dire que nous avons le même problème à l’inverse. Parce que, s’appuyant sur leurs salaires élevés de pays développé, les États-Unis nous ont privé de beaucoup de main-d’œuvre jeune et qualifiée, de beaucoup de diplômés universitaires ; par exemple, ils ont attiré des médecins, pas les meilleurs… Je sais où sont les meilleurs, ils sont ici et un peu partout dans le monde, accomplissant leur mission sacrée. Jamais ils ne parviendront à entamer l’esprit d’acier de la nouvelle Cuba.

Vous qui êtes allés voir les expériences qui se font ailleurs… Bon, on m’a raconté ce qui t’es arrivé, Gladys, en Équateur, je crois, où tu couvrais le travail dévoué de nos coopérants.

Journaliste Gladys Rubio.-
Vous voulez parler de l’histoire des bottes ?

Fidel.-
Des bottes, des camions chargés, du bac qui avait du mal à traverser le fleuve… Il s’en est fallu de peu pour qu’il faille aller repêcher ton cadavre dans l’Atlantique, à l’embouchure de l’Amazone…

Vous connaissez aussi les problèmes du continent... D’où l’importance de la CELAC, qui constitue un grand pas en avant. Il faut plus de 10 minutes – bon, en 10 minutes il est impossible d’écouter un discours –, 10 heures et 20 discours pour savoir ce que pense chacun. Même aux visages des participants, on pouvait sentir ce que pensaient les Caribéens, le représentant de la Bolivie, l’autre…

La réunion de la CELAC a été accompagnée du sommet entre les dirigeants de l’Amérique latine et des Caraïbes et ceux de l’Union européenne.

J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec ceux qui viennent, je dirais même beaucoup d’entre eux, et je pense qu’ils sont mus par l’intérêt que nous accordons à ces rencontres.

J’ignore à quel moment les dirigeants politiques européens dorment ou rentrent chez eux.

Angela Merkel, quand est-ce qu’elle ? Je la vois toujours d’une réunion à l’autre… Elle n’est jamais en Allemagne. Et les Anglais qui veulent entrer à présent alors qu’ils s’en sont très bien sortis pour saboter la monnaie. Qui peut les comprendre ? Par ailleurs, y a-t-il une solution au taux de chômage de 26% en Espagne ? Y a-t-il une solution à la corruption ? Tous ces pays sont saturés de problèmes.

Qui paie tout cela, la faim des autres, la pauvreté ?

Concernant notre Révolution, je dois dire que Marx, qui n’aimait pas beaucoup les discours et les prophéties, nous a dit dans la célèbre Critique du programme de Gotha, en 1875, que dans la révolution sociale, durant sa première étape, la richesse serait distribuée en vertu du principe « De chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail ». Dans une seconde étape la formule serait « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ! ». Je ne fais que répondre à ta question, Fabiola.

Quand on a du temps pour réfléchir, c’est plus facile. J’aimerais contribuer le plus possible à l’unité, au raisonnement. Je serais toujours contre la fatuité et la suffisance, car l’être humain a beaucoup tendance à la suffisance.

J’espère que vous n’allez pas vous décourager. Ce que je vous dis ne doit pas vous décourager, au contraire.

La prochaine élection, c’est quand ?

Journaliste Gladys Rubio.- Dans cinq ans, je crois.

Fidel.-
Et Bien ! Ça me paraît un peu loin (Rires).

Ivia Pérez Reyes.-
Enfin, deux ans pour réaliser les partielles. Deux ans pour les partielles, et dans 5 ans les générales.

Fidel.-
D’accord. Il faudra que j’aille au Congrès des pionniers.

Journaliste Ana T. Badia.-
Il y a celui de journalistes aussi.

Journaliste.- Des journalistes, c’est bientôt le Congrès.

Journaliste.-
Et bien, considérez-vous comme invité.

Journaliste.-
Vous êtes journaliste, vous pouvez venir au Congrès.

Fidel.-
C’est quand le Congrès?

Ivia Pérez Reyes :
Le 14 juillet, vous êtes invité, commandant.

Fidel.- Ah ! le 14. C’était quand la Prise de la Bastille ?

Journaliste Amaury del Valle.-
Exact ! Écoutez, vous avez un… À la même date.

Fidel.-
C’est d’accord.

Ivia Pérez Reyes.- Et voilà, vous êtes invité.

Fidel.- Quand vous avez mentionné le 14 juillet, je me suis souvenu de la Révolution française. À l’époque de Robespierre, que se serait-il passé si les gens avaient eu la télévision ?

Journaliste Gladys Rubio.- Alors là, cela aurait été…

Fidel.- Imaginez-vous celle qui a assassiné Robespierre. Non, pas Robespierre. Lui, il a été exécuté au moment où la Révolution française commençait à perdre du terrain après un extrémisme excessif. Vous pouvez faire naître les idées, mais vous ne pouvez pas les contrôler. Veillez à vous laisser guider le moins possible par l’instinct, et le plus possible par la connaissance. Je suis prêt à y aller, si je peux. Il faut monter des marches ?

Gladys Rubio.- Non, non, non, pas du tout.

Fidel.- Où allez-vous faire le Congrès ?

Ivan Pérez Reyes.-
À Cojimar, à l’École des cadres de Cojimar. Là-bas, il n’y a pas d’escaliers.

Fidel.- C’est là-bas où nous avons démarré la formation des étudiants du Timor-Leste. Tous les médecins dont le Timor-Leste avait besoin doivent avoir déjà obtenu leur diplôme. À quand une solidarité mondiale ?

Journaliste Gladys Rubio.- On en a bien besoin !

Fidel.-
Parce que nul ne peut dire : « Je suis le maître de la lumière, je suis le maître de l’air ». Le concept de propriété sur les ressources essentielles de la vie continue de prévaloir. Quand l’Humanité pourra-t-elle se considérer comme une seule famille ? D’accord, si je peux, c’est avec plaisir que j’irai à votre Congrès.

Ivia Pérez Reyes.- De toutes façons, toute autre invitation à dialoguer de ces questions et de l’importance de la presse dont vous avez parlée, reste ouverte. Nous sommes à vos ordres, prêts à parler de ce sujet.

Fidel.-
C’est un des sujets… quelque chose de très réel.

Aujourd’hui, nous avons de très bons journalistes, car ici le journalisme n’est pas un commerce sale ou quelque chose de semblable ; comme vous l’avez remarqué, le journal fasciste espagnol attaque quotidiennement le Venezuela avec des injures grossières. La première chose que je lis chaque jour, c’est environ 20 ou 30 dépêches, parmi les plus importantes, sélectionnées par un groupe de camarades habitués à cette tâche, qui viennent s’ajouter à d’autres qui me parviennent de différentes sources.

Les nouvelles qui arrivent de Chine sont de plus en plus intéressantes. Ce sera bientôt la réunion, qui va durer plusieurs semaines, sur l’élection de la direction centrale du Parti communiste chinois.

J’ai connu Xi Jinping lors d’une de ses visites dans notre pays, il y a quelques mois. Je me suis entretenu un long moment avec lui, notamment sur la nécessité vitale de produire des aliments. C’est sans nul doute un homme très compétent. J’ai aussi eu le privilège de connaître Hu Jintao, ainsi que Jiang Zemin. La Chine est un pays étonnant, avec un peuple travailleur et très intelligent. Une légende sur les Chinois prétend qu’ils ne prononcent pas le « r » quand ils apprennent l’espagnol en parlant avec les gens. Quand ils l’apprennent dans une école, ils parlent l’espagnol mieux que quiconque. La langue chinoise est complexe et difficile, avec des milliers de signes. C’est à mon sens, un facteur qui contribue au développement de leur intelligence.

En réalité, l’homme est l’unique espèce connue dont l’intelligence continue à se développer après la naissance.

Bon, pour ne pas m’attarder, je vais penser sérieusement à la possibilité d’une rencontre. Combien de jours va durer votre Congrès?

Ivia Pérez reyes.-
Le Congrès, deux jours.

Fidel.- J’imagine qu’on va le publier.

Ivia Pérez Reyes.- Oui, bien sûr.

Fidel.-
Si non, TeleSur se chargera de le diffuser.

Journaliste.- Oui, bien sûr, bien sûr.

Ivia Pérez Reyes.-
Pas seulement TeleSur, tous les médias.

Fidel.-
Excusez-moi d’avoir choisi certains porte-parole.

Journaliste Gladys Rubio.- Non, c’est parfait. Ne vous en faites pas.

Fidel.-
Vous admettrez que ce sont des gens très bien formés et qui peuvent avoir beaucoup d’influence, cela ne signifie pas que je vous sous-estime.

Journaliste Gladys Rubio.-
Non, bien sûr.

Fidel.- Si les femmes gagnent de plus en plus de pouvoir, c’est qu’elles ont plus de force sociale que nous, mais n’allez pas me dire qu’elles sont plus révolutionnaires.

Journaliste Gladys Rubio.- Elles sont certainement plus fortes.

Fidel.- Les femmes, c’est sûr, je ne parle pas des Cubaines, je parle de toutes les femmes, partout.

Journaliste Gladys Rubio.- Nous sommes le troisième pays au monde avec le plus de femmes au Parlement.

Fidel.-
Je crois que les Anglais nous dépassent. La reine d’Angleterre a passé 60 ans au pouvoir et ils lui ont offert un petit cadeau de 500 00 kilomètres carrés. Vous savez où ? En Antarctique.

Journaliste Ana T. Badia.- Dites donc !

Fidel.- Il y des réclamations à ce sujet. Le Pôle Sud est partagé entre un groupe de pays. Il n’y a pas d’alternative. Il faut nommer la Reine, souveraine du Pôle Sud. (Rires).

Parfait.

Journaliste Gladys Rubio.- Merci pour tout. Merci d’être venu vers nous. Nous en sommes très heureux.

En chœur : Merci beaucoup, commandant.

Journaliste Gladys Rubio.- Nous sommes tous très heureux, et le peuple sera aussi très content d’apprendre la nouvelle.

Fidel.- Vous voulez que je vous dise quelque chose? Je me suis libéré de toute cette amertume.

Journaliste Gladis Rubio.-
Bonne après-midi, commandant.

Fidel.- D’accord, Et vous qu’allez-vous faire ?

Journaliste Amaury del Valle.- On reste là.

Fidel.- Vous êtes de quel journal ?

Journaliste Amaury del Valle.- Moi, de Juventud Rebelde, commandant.

Fidel.-
Dites donc ! Et il a le meilleur papier.

Journaliste.-
En effet.

Fidel.-
Parfois on ne peut pas lire le Granma, les lettres sont très petites.

Journaliste Amaury del Valle.-
Et vous pouvez lire sans lunettes, commandant ?

Fidel.-
Oui, je vois même les chiffres. Cependant, à la télévision, j’ai du mal à lire les petites lettres, et le changement de lumière me gêne.

Journaliste Amaury del Valle.-
Regardez ces lettres, elles sont mises au hasard. Vous voyez qu’il n’y a pas de nom.

Fidel.- Voilà une autre journaliste. De quel journal ?

Journaliste.- Moi ? De Radio Metropolitana, la radio de la ville.

Fidel.-
La radio La Havane?

Journaliste : La radio de La Havane.

Fidel : Quelles sont les radios qui parlent de l’agriculture?

Journaliste.-
De l’agriculture? La Havane ne parle pas beaucoup d’agriculture ?

Fidel.-
Non mais, on m’a dit qu’il y en avait une.

Journaliste.-
C’est Radio Cadena Habana, la radio des provinces Mayabeque et Artemisa.

Fidel.- Ah !

Journaliste.- c’est Radio Cadena Habana.

Fidel.- Qui la dirige?

Journaliste Amaury del Valle.-
Je ne saurais pas vous dire le nom du directeur.

Fidel.- C’est laquelle ? Vous ne savez pas qui parle de l’agriculture ?

Journaliste.- Non, il veut dire que nous ne connaissons pas le nom du directeur ou de la directrice de la station. Mais Radio Cadena Habana parle beaucoup d’agriculture.

Journaliste Ivia Perez Reyes.- Yolanda Paris, la directrice de Radio Cadena Habana, c’est Yolanda Paris. Il y a aussi Radio Mayabeque et Radio Artemisa, qui parlent également beaucoup d’agriculture ; ce sont les stations des nouvelles provinces.

Fidel.- J’avais des contacts avec [Orlando ] Lugo [président des petits agriculteurs], que j’ai conservés. Lugo connaît les meilleurs agriculteurs, Lazarito de Bejucal, et l’autre de Cienfuegos qui produit du lait de chèvre, Regino : c’est un formidable paysan producteur. Je lui demande : « et pour les travailleur des abattoirs, comment tu t’organises ? » Et bien, me dit-il, « nous sommes plusieurs producteurs, nous échangeons. Et moi, par exemple, maintenant j’utilise la traite mécanique. »

Regino pouvait traire manuellement 148 chèvres par jour, aidé par son fils adulte, et son autre fils, de 8 à 10 ans, qui va à l’école, en trayait 40. « Vous m’avez bien eu, maintenant avec la traite mécanique, je suis moins bien entraîné », clamait le gamin… « Maintenant, je dois consacrer plus de temps à l’étude »

Lugo connaît les meilleurs paysans et cultivateurs de coopératives. Il a participé à la distribution des semences. On peut planter certaines plantes par millions. Le problème, c’est qu’il faut connaître les possibilités, la valeur et le coût de la production. C’est complexe, mais très encourageant.

Miguel Mauri.- L’agence AIN est ici aussi.

Fidel.- Fais-lui passer le message que j’aimerais m’entretenir avec elle. (Il fait référence à la directrice de Radio Cadena Habana).

J’ai des nouvelles sur les principales fermes. Le buffle produit deux fois plus de viande dans les parc d’engraissement, avec moins de graisse. C’est ce que m’a raconté Alfredo, un paysan d’Alquizar, intelligent et sérieux.

Cet animal très avantageux n’existait pas à Cuba. En 1983, Torrijos nous a offert 25 femelles et deux mâles de la race Bufalypso, connue comme buffle de rivière. Entre 1983 et 1986, Cuba a acheté 241 femelles et 31 mâles de cette race, et entre 1987 et 1989, notre pays a acheté 2 648 femelles et 57 mâles de la race Carabao, connue comme buffle des marais. Cet animal, quand il n’y a pas de pâturage, renverse les clôtures pour aller chercher sa nourriture.

Mais, c’est le seul animal qui peut vivre dans des régions marécageuses et inhospitalières. En quelques années, ils se sont multipliés ; ils n’ont pas trop souffert de l’utilisation excessive de l’insémination artificielle, du nombre important de génisses, ni du pourcentage élevé de veaux qui mourraient de dénutrition. Dans chaque province, on avait créé des petites laiteries dans des lieux visibles depuis la route, qui produisaient du lait et du fromage de paisibles bufflonnes. Cet animal, qui constitue la principale source de lait et de viande dans des pays comme le Vietnam et d’autres en Asie, avait été écarté. Le pays va tout faire pour disposer de toutes les sources possibles de lait et viande de bœuf, de mouton, de buffle, de porc, de volaille et de lapin.

Pour la production d’aliments d’origine animale ou végétale, il faut appliquer des principes stricts et durables en matière sanitaire. Une tâche que notre pays est à même de mener à bien.

Quel est par exemple le pays qui produit le plus d’aliments? La Chine produit et consomme des centaines de millions de porcs par an. Elle ne peut pas disposer de la viande bovine du Canada, des États-Unis, du Brésil, de l’Argentine ou de l’Australie, qui disposent de quatre fois plus de territoire avec moitié moins de population que la Chine, ou peut-être plus, car une grande partie du territoire chinois, au nord ou au sud, est désertique ou montagneux.

Nos instituts, nos spécialistes et nos scientifiques doivent connaître à fond toutes les maladies qui touchent les animaux et les plantes.

On ne doit pas oublier le sabotage du cargo La Coubre, quand nous avons acheté des armes, en Belgique, pour ne pas leur donner de prétextes politiques pour faire ce qu’ils firent contre Cuba : le bateau y va, on le charge, puis il fait escale dans un port français où l’on introduit les explosifs. Il y a eu deux explosions. Après l’explosion de la première charge, quand les caisses venaient d’être déchargées, et quand de nombreuses victimes recevaient des soins ou luttaient contre l’incendie, la deuxième explosion se produisit. Plus de cent travailleurs furent tués et des centaines de personnes furent blessées.

Notre problème avec l’insémination artificielle massive, c’est que la moyenne de la gestation atteint à peine 50%. Il faut trouver une solution à ce problème. Souvent, quand le taureau reproducteur s’aperçoit que la femelle est en chaleur, l’ouvrier chargé de l’insémination ne travaille pas, ou il est occupé à une autre tâche indispensable, si bien qu’on perd beaucoup d’insémination et on dépense plus d’argent.

Il faut utiliser des méthodes pour avoir plus de gestations et moins de dépenses, en réservant la technique la plus sophistiquée aux troupeaux les mieux soignés, et laisser la reproduction naturelle là où les conditions adéquates ne sont pas réunies.

Il y a un autre problème avec les veaux, souvent soumis à un régime absurde d’alimentation insuffisante et de mauvaise qualité, avant d’être lancés à la recherche de pâturage de faible qualité, où 30% encore des bêtes meurent, et l’on passe deux fois plus de temps pour démarrer la production.

Il est indispensable d’ensemencer des pâturages de bonne qualité, aussi bien de graminées que d’autres riches en acides aminés et en protéines, qui ont été mis au point par des spécialistes. Parmi les nombreuses mesures à prendre, ce sont les plus urgentes

Je ne parlerais pas de cela si je n’étais pas profondément convaincu que nos travailleurs sont parfaitement capables de résoudre rapidement ce problème, ce qu’ils désirent, compte tenu de la nécessité d’une alimentation saine et protéinée, quelle que soit la durée de la vie sur la planète. Ce sont des principes applicables à toute la production agricole.

J’espère vous rencontrer bientôt. Vous pourrez me demander tout ce que vous voudrez. Cherchez des livres et posez-moi les questions qui vous intéressent, et si je ne sais pas vous répondre, je vous le dirai en toute franchise.

Journaliste Gladis Rubio.-
Et le problème de l’eau.

Fidel.- Maintenant, j’ai beaucoup d’espoir, et c’est une récompense d’avoir eu la chance de venir. Vous êtes les porte-parole de la Révolution.

Journaliste Ana T. Badia.- Pour conclure, commandant, Radio Rebelde va fêter son 55e anniversaire le 24 prochain, quel est votre message ?

Fidel.- Ah, c’est la vieille Radio Rebelde.

Journaliste:
Fondé, vous vous souvenez, dans la Sierra Maestra.

Fidel.- Et comme les avions la recherchaient ! Mais laissez-moi vous dire qu’aujourd’hui, on ne pourrait pas le faire. Il suffit d’une radio allumée pour qu’ils t’envoient directement une bombe, et c’est fini. Il faudrait inventer quelque chose pour contrecarrer cette technique.

Avant de disposer de Radio Rebelde, notre guérilla avait livré de nombreux combats victorieux. Notre petite station, en disant rigoureusement la vérité a décuplé notre force, et a permis d’accélérer la victoire.

Bien. Transmettez-leur toutes mes félicitations et ma satisfaction de penser qu’ils ont su remplir leur devoir pendant tant d’années.

Journaliste Amaury del Valle.- Commandant, un message pour les jeunes à travers le journal Juventud Rebelde.

Fidel.- Que je les envie beaucoup. (rires)

Journaliste.- Et pour tout le peuple, commandant, dites quelques chose en ce grand jour de vote, à votre peuple qui vous aime tant.

Fidel.-
Et bien, vraiment, je dois vous dire que pour moi, le peuple, c’est tout. Sans le peuple, nous ne sommes rien, sans le peuple, il n’y aurait pas de Révolution. Avec le peuple, nous avons forgé le digne chemin de la Patrie. Nous défendrons le pays, et s’il faut mourir, nous mourrons.

Journaliste : Merci, commandant !

Fidel.-
Merci d’être venu.

Journaliste Ana T. Badia.-
Il manque cinq mois avant le Congrès des journalistes.

Fidel.- Vous ne faites plus aucune réunion ?

Journaliste Ana T. Badia.-
Celles que nous avons faites à la base, mais nous vous attendons les bras grands ouverts.

Fidel.- Qui va au Congrès de tout le pays, combien allez-vous être ?

Journaliste Ana T. Badia.- Pas beaucoup, cette fois, n’est-ce pas ?

Ivia Perez Reyes.-
250 journalistes vont se réunir, commandant, de tout le pays. C’est peu. Mais si vous voulez vous réunir auparavant avec un petit groupe, on peut les réunir, vous nous invitez, et on sera là.

Fidel.- C’est vous qui les choisissez?

Ivia Pérez Reyes.-
Et bien on peut les choisir.

Journaliste Gladis Rubio.- Vous vous souvenez que nous nous sommes réunis un 26 Juillet ? Exact. Nous parlons de sciences, d’environnement d’agriculture, du monde et de ce que vous voulez.

Fidel.- En tout cas, cela n’empêchera pas de …

Ivia Pérez Reyes.- Que vous veniez au Congrès ensuite.

Journaliste Ana T. Badia.-
Pour nous, votre présence au Congrès sera un honneur.

Journaliste.- Ensuite vous venez au Congrès, et nous en faisons deux.

Fidel.-
Qui va en prendre la responsabilité ? Nous allons en parler avec la camarade, qui a beaucoup travaillé, celle dont je vous ai parlé. Elle s’engage à vous inviter et à quelques autres du secteur qui sont intéressés. Ainsi, vous n’avez pas la responsabilité, et alors…

Ivia Pérez Reyes.-
Nous pouvons parler avec Alfonso Borges, qui s’occupe de toute la presse, que vous connaissez parfaitement.

Fidel.-
Mais oui, bien sûr. Aujourd’hui il m’a fait parvenir quelques articles. Et Arcangel – il a un groupe. Il était à la réunion que j’ai eue avec les paysans ; elle s’est très bien passée.

Ivia Pérez Reyes.-
C’est très bien, commandant, prenez soin de vous.

Fidel.- J’ai du travail, mais vous libérer m’oblige à …

Journaliste Gladys Rubio.- Pour nous, cela a été un moment très spécial.

Journaliste Ana T. Badia.-
Nous sommes très heureux.

Journaliste Gladys Rubio.-
Merci d’être venu. Merci beaucoup.

Fidel.- De quel journal est-il?

Journaliste Amaury del Valle.- C’est mon magnétophone, commandant.

Journaliste Evelio Telleria.-
De Trabajadores.

Fidel.-: Ah, oui, il sort une fois par semaine. Je l’ai vu hier.

Journaliste Evelio Telleria.- Nous sortons le lundi.

Journaliste Amaury del Valle.- Juventud Rebelde sort aujourd’hui, commandant.

Fidel.- Combien d’exemplaires ?

Journaliste Amaury del Valle :
Nous, 250 000 exemplaires, commandant.

Fidel.- Et Granma, combien?

Journaliste.- Granma, à peu près le même nombre, un peu plus.

Ivia Pérez Reyes.- Non, Granma, 510 000, car 10 000 sont réservés au tourisme, et 500 000 pour la population, les centres de travail, etc. Juventud Rebelde, 250 000, le dimanche, et

200 000 quotidiennement.

Fidel.- Moins le dimanche ? Ne me dites pas ça.

Ivia Pérez Reyes.-
Oui, tous les jours, et le dimanche, 250 000.

Journaliste Amaury del Valle.-
Il faut dire que le dimanche, ce sont 16 pages au lieu de 8, avec plusieurs articles supplémentaires d’enquête. On publie des travaux sur l’agriculture, ceux dont vous avez parlé : les défis de l’agriculture ces derniers temps, et surtout, on s’adresse plus aux jeunes.

Fidel.- Je vous remercie infiniment pour tout ce que j’ai appris aujourd’hui, et j’espère avoir assez parlé avec vous.

À bientôt. Mes amitiés.

(Des vivats pour Fidel)

(Il s’intéresse aux enfants qui gardent les urnes)

Fidel.- Et bien, vous ne m’avez pas dit qu’on avait enlevé les escaliers.

Journaliste Niurka Prada.- Je vous l’ai dit. Quand j’ai su que vous ne pouviez pas monter les marches, j’ai préparé toutes les conditions.

Fidel.- C’est que personne ne m’a rien dit. Dis-le-moi pour ne pas voter pour le responsable aux prochaines élections.

Journaliste Niurka Prada.-
D’accord, ce n’est rien. Aux prochaines élections, j’ai un fauteuil ici, je me sentais nerveuse de vous voir debout aussi longtemps.

Fidel.-
Personne ne m’a dit non plus que tu étais dans les parages.

Journaliste Niurka Prada.- Ce n’est rien, ce n’est rien, je suis toujours là au cas où vous auriez besoin de moi.

Fidel.-
Qu’est-ce que tu es en train de faire ?

Niurka Prada.-
La même chose que quand vous m’avez quitté, je n’ai pas encore terminé.

Fidel.-

Niurka Prada.- Je suis dans votre équipe d’assistance. Vous devez me protéger, car je suis avec vous.

Fidel.-
Niña Bonita.

Niurka Prada.- Et oui, je m’occupe directement de Niña Bonita, de Siboney et toutes ces choses.

Fidel.- Et j’ai des choses nouvelles.

Niurka Prada.-
Puis-je vous raconter une anecdote ? J’ai passé deux ans à demander qu’on répare le… de Niña Bonita. Vous êtes passé en minibus par la porte, et le lendemain quand je suis arrivée, on l’avait réparé. Alors, venez faire un petit tour de temps en temps

Fidel.-
On se voit bientôt.

Niurka Prada.-
D’accord.

C’est une grande joie de vous voir, commandant.

(Exclamations : Fidel ! Fidel ! Fidel !) 

Lugar: 

Cuba

Fecha: 

03/02/2013