Articles

Pourquoi Cuba est-elle dans le cœur du monde ?

Foto: Obra de Roberto Fabelo
Foto: Obra de Roberto Fabelo

Date: 

29/11/2022

Source: 

Periódico Granma

Auteur: 

Et nous n'oublierons jamais que nous faisons partie de ce monde, que notre destin est le destin de ce monde, que notre victoire est la victoire de ce monde contre l'impérialisme, et que la défaite de ce monde serait notre défaite et notre asservissement !

Fidel Castro, discours de clôture du 13e Congrès de la Centrale des travailleurs de Cuba, le 29 août 1966

À l’époque, en mars 2014, au début de ce qui allait devenir le projet contre-révolutionnaire Cuba Posible, l'un de ses donateurs réguliers, lors d’un entretien avec un correspondant de Miami sur l'Île, donnait des conseils à Cuba pour ses relations avec les États-Unis : « il vaut mieux, pour l'acteur le plus faible, adopter des changements qui le feront s'insérer ou entrer dans un puzzle plus grand où prédomine le leadership étasunien. » La personne interrogée déplorait le fait que les dirigeants cubains « ne se sentent pas à l'aise avec ce monde tel qu’il est et fassent tout leur possible pour le changer ».

En effet, l'asymétrie de la relation de Cuba avec un pays voisin 30 fois plus peuplé que lui et qui est la puissance économique et militaire la plus importante du monde est telle que la proposition de se mettre sous le joug et de perdre l'étoile martinienne sur son front, en acceptant le monde tel qu'il est, et en renonçant à le changer, pourrait sembler séduisante pour certains qui pensent davantage comme des Étasuniens. Le plattisme et le fatalisme géographique ont leur part dans l'histoire nationale, qui est enseignée, non pas dans les universités étasuniennes, mais à l'école primaire cubaine.

On enseigne aussi aux enfants cubains, même si certains l'apprennent mal ou feignent de l'oublier à l'âge adulte, que jusqu'en 1959, Cuba était un pays de monoculture (canne à sucre), sur des terres appartenant à des Étatsuniens, mais situées sur leur propre territoire ; qu'elle n'exportait qu'un seul produit (le sucre) vers un seul marché : les États-Unis. Les entreprises étasuniennes avaient acheté les meilleures terres au prix de quelques centimes par cavalerie, après une guerre dans laquelle leur gouvernement était intervenu – de manière opportuniste – alors que les Cubains avaient acculé la plus grande armée que l'Espagne ait jamais eue dans les Amériques.

Dès le début de cette lutte pour l'indépendance de Cuba et de Porto Rico, José Marti, son principal organisateur, écrivait pour la postérité son intention de se mêler de questions gênantes : « C'est un monde que nous équilibrons ; ce ne sont pas seulement deux îles que nous allons libérer », et il définissait également que tout ce qu'il avait fait et ferait était pour « empêcher à temps, avec l'indépendance de Cuba, que les États-Unis s’abattent sur les Antilles et ne tombent, avec cette force supplémentaire, sur nos terres d’Amérique ».

Marti fut un homme qui, avec une vision universelle, écrivit sur les luttes des peuples dans les environnements les plus divers : sa première œuvre littéraire (Abdala) se déroulait au Moyen-Orient, et il est difficile de trouver un peuple défendant sa souveraineté qui n'ait pas eu à ses côtés la plume de Marti. L'Irlande, le Vietnam, ainsi que les peuples originaires de ce qu'il appelait Notre Amérique, eurent en lui un regard attentif et profond porté sur leur résistance, de même que les travailleurs de Chicago auxquels le monde du travail rend hommage chaque 1erMai.

Martinien exemplaire, Fidel comprit que limiter l’action de la Révolution sur la scène internationale à dénoncer les agressions étasuniennes, sans chercher en même temps à changer l'environnement dans lequel les États-Unis les soutiennent, serait suicidaire pour les révolutionnaires cubains. Du fait de sa vision martinienne, humaniste et universelle, mais aussi parce qu'il avait compris que cette énorme asymétrie ne pouvait s’équilibrer que par une participation active et fondatrice sur la scène internationale. C'est pourquoi, loin de concevoir les relations entre les États-Unis et Cuba uniquement comme un problème bilatéral, ou de les réduire à la question du blocus économique, il a toujours eu une vision intégrale et globale de ces relations.

Depuis les nationalisations et les Cinq points de la Crise d'Octobre jusqu'au Serment de Baragua, en passant par les batailles contre l'extraterritorialité du Titre III de la Loi Helms-Burton, contre le Plan Bush, pour le retour de l'enfant Elian et pour la libération des cinq antiterroristes cubains injustement condamnés aux États-Unis, Fidel a fait de la lutte anti-impérialiste un instrument de cohésion sociale avec le peuple en tant que protagoniste, un motif de mobilisation populaire à Cuba et de l'opinion publique internationale, ce qui imposa un coût politique élevé à l'adversaire.

De l'aide aux mouvements de libération nationale à la formation massive de professionnels pour le tiers-monde, en passant par l'envoi de brigades médicales et l'exportation de produits biotechnologiques compétitifs, y compris ses récents et très efficaces vaccins contre la covid-19, le rôle de Cuba dans le monde a été et reste mille fois supérieur à ce que l'on pouvait attendre d'un petit pays résistant aux frontières du plus grand empire de l'histoire.

L'impérialisme étasunien n'est pas le problème de Cuba, c'est le problème de l'Humanité. Les politiques des États-Unis ne menacent pas seulement Cuba, elles menacent la survie même de l'espèce humaine. L'émergence de contestations nouvelles et croissantes contre ces politiques reconnaît le rôle que l'Île a joué en tant que symbole de résistance à cette prétention hégémonique.

C'est ce qui explique l'accueil impressionnant, diversifié et solidaire que la délégation, conduite par le président cubain Miguel Diaz-Canel, vient de recevoir en Algérie, en Russie, en Turquie et en Chine, peu après le 30e rejet, à une majorité écrasante, du blocus économique étasunien contre Cuba à l'onu, ou la disqualification quasi unanime d'un Sommet des Amériques sans les Cubains. Ce n'est pas seulement que ces pays soutiennent Cuba, c'est aussi qu'en la soutenant ils savent qu'ils se soutiennent eux-mêmes, à un moment critique où les ordres de Washington ne sont plus obéis, pas même en Arabie saoudite.

Une fois de plus, Marti résume : « Cuba ne va pas de par le monde en mendiante : elle y va comme une sœur et elle œuvre avec l’autorité d’une sœur. » Amis et ennemis le savent, comme nous devons savoir ici que pour maintenir cette autorité avec laquelle le mot Cuba fait l'admiration du monde, ce qui est décisif, c'est ce que nous faisons de ce soutien, sur cette Île et au-delà, nous, qui nous appelons Cubains.