Allocutions et interventions

Discours prononcé par Fidel Castro Ruz à la remise de diplômes aux meilleurs ouvriers de la Campagne Sucrière, à Varadero, le 16 juillet 1962

Date: 

16/07/1962

 

Travailleurs qui avez gagné dans l’émulation sucrière ;

Compañeros et compañeras,

Nous venons de conclure une cérémonie simple, mais extraordinairement belle. Et il vaut la peine d’analyser la signification révolutionnaire et humaine que prend cet hommage si juste que notre peuple rend à ses meilleurs enfants.

J’ai observé chacun des travailleurs récompensés, et les groupes qui sont venus recevoir leurs coupes au nom de leurs sucreries.

L’exemple que ces hommes donnent à notre peuple, leur mérite, fournissent matière à réflexion, et doivent aussi fournir matière à réflexion à ceux qui veulent vraiment savoir ce qu’est une révolution.

J’ai été frappé, entre autres, par le fait qu’une bonne partie des travailleurs récompensés comme les meilleurs travailleurs de l’année dans chaque sucrerie ont un âge avancé, qu’ils ont donc travaillé toute une vie.

L’un d’eux a soixante-douze ans (applaudissements), et on lui voit l’enthousiasme d’un jeune de vingt ans. Mais il n’est pas le seul. D’autres ont aussi plus de soixante ans.

J’ai écouté ce qu’ils disaient, ici-même ou en public, des choses absolument éloquentes parce que spontanées, qui se résument en un mot, en une phrase, sorti du fond du cœur.

Certains ont dit que c’était le moment le plus émouvant de leur vie, et ce n’est pas rien quand on pense qu’ils ont travaillé trente ans, ou quarante, ou cinquante ans !

Ou alors l’ouvrier qui a dit ce que la Révolution était pour lui, et qui l’a résumé en une expression : que ses enfants n’auraient plus à mendier (applaudissements).

Ou ce vieil ouvrier qui nous a dit qu’il voudrait être jeune pour voir la Révolution. J’ai compris ce qu’il voulait dire : qu’il voudrait être jeune pour voir les fruits futurs de la Révolution, pour voir ce que sera notre peuple demain (applaudissements). Et je lui ai dit : « La Révolution, vous la voyez dès maintenant. » Il m’a répondu : « Oui, je vois un tas de choses. »

Un autre des travailleurs qui ont reçu leur diplôme a dit qu’il fallait construire des barrages pour empêcher l’eau de se perdre en mer (applaudissements), pour souligner que les ouvrages hydrauliques étaient importants pour notre agriculture.

Un autre a dit qu’il était déjà venu à Varadero une fois, en 1911 ! (Applaudissements.) Et un autre s’est exclamé : « Enfin, j’ai pu venir à cet endroit où venaient avant les profiteurs ! ».

Il faut se mettre à la place d’un travailleur, de quelqu’un de modeste du peuple, entrer dans son cœur, dans son esprit, penser à ce qui explique ses sentiments et sa conduite. Chacun a exprimé un sentiment, parmi la foule de sentiments que suscite une révolution, chacun a parlé de ce qui lui tenait le plus à cœur dans la Révolution.

Un ouvrier qui est venu avec son enfant a dit : « Qu’est-ce que j’ai dû travailler pour t’amener ici ! » Il était très fier, avec son enfant, fier de son triomphe, de son prix, il était satisfait de l’avoir remporté à force de mérite, heureux d’avoir pu amener son fils, avec tout l’honneur possible, un honneur qu’on ne peut acheter avec de l’argent. En effet, ce n’est pas seulement que les ouvriers aillent maintenant là où allaient avant les profiteurs, mais que les profiteurs y allaient aux dépens du travailleur, sans le moindre mérite (applaudissements). Voilà pourquoi la joie, le bonheur, la satisfaction d’un ouvrier ne sont pas comparables à ce que sentait le profiteur. Impossible. Parce que le profiteur ne venait ici pour aucun principe moral, pour aucun mérite, pour aucun sacrifice, et il ne méritait pas ce qu’il recevait.

En revanche, l’ouvrier primé qui vient ici, le travailleur qui vient pour un principe moral, pour un principe de justice, grâce au fruit de son effort, des services qu’il rend à la société, doit ressentir forcément une joie bien plus grande. Les eaux, le sable, le ciel de ce merveilleux espace de notre terre doivent lui procurer un plaisir très supérieur à celui que pouvait en tirer un exploiteur.

Le travailleur qui nous a dit que ses enfants pouvaient désormais être sûrs de ne pas être des mendiants associait lui aussi la Révolution à ce sentiment de père, à ses enfants ; il ne pensait pas à lui, il pensait à eux. Pour lui, la plus grande tranquillité que lui donnait la Révolution, c’est que ses enfants n’auraient pas à mendier.

N’importe quel ouvrier, n’importe quelle famille modeste peut dire également : « Mes enfants ne grandiront pas pour servir de domestiques aux richards ; mes filles ne deviendront pas des prostituées (applaudissements) ; mes enfants ne seront pas des délinquants, des voyous, ils ne seront pas des joueurs, des vicieux, des gibiers de potence » (applaudissements).  Ou dire que ses enfants ne seront pas exploités, pas humiliés, pas méprisés, pas maltraités.

L’ouvrier qui regrettait sa jeunesse associait la Révolution à, mettons, un sentiment de nostalgie ; finalement récompensé quand il est sexagénaire, quand il se sent une personne âgée, il voulait dire sûrement : « Qu’est-ce que je ne pourrais pas faire si j’étais jeune ! » Il regrettait sûrement sa jeunesse et il regrette de ne pas avoir été jeune quand la Révolution a commencé. Quelqu’un qui a passé toute sa vie à souffrir et à travailler, c’est normal, c’est humain qu’il souhaite être jeune à un moment pareil ! (Applaudissements.)

Mais que ces phrases sont éloquentes ! Quelle profondeur, quelle signification pour nous ! Elles valent tous les discours. Elles sourdent du cœur et des sentiments des gens modestes, des travailleurs, de ceux qui font leur devoir envers leur patrie et envers la société.

Et c’est logique qu’ils veuillent venir ici spontanément et dire quelques mots. C’est logique qu’ils veuillent mettre à nu ces sentiments ou ces idées qui leur brûlent le cœur, parce que c’est justement ça que la Révolution a signifié avant tout et plus que tout : notre peuple, hommes et femmes, délivré de l’esclavage, de l’humiliation, de l’oubli, du désespoir dans lesquels il vivait, l’aurore des petites gens ! (Applaudissements).

Ce qui est devenu à tout jamais une nuit sombre pour les privilégiés, pour les exploiteurs, pour ceux qui vivaient sur les hauteurs, jouissant de tout, ce qui est devenu une nuit éternelle pour les privilégiés signifie un jour éternel pour les petites gens, pour les exploités d’hier ! (Applaudissements.)

Ces mots, ces idées, seuls des ouvriers peuvent les exprimer. Un ouvrier nous a dit ici que c’était le jour le plus émouvant de sa vie ; mais il est fort probable que pour l’ancien propriétaire de la sucrerie où il travaille, qui, allez savoir, a allumé la radio peut-être à Miami et qui a écouté que cet ouvrier était à Varadero, qu’il avait reçu un diplôme, une récompense (applaudissements), cette après-midi-ci ait été la plus amère de sa vie (rires et applaudissements), à supposer qu’elle puisse être plus amère que celle où, par loi révolutionnaire, les sucreries étrangères ont été nationalisées, puis toutes les sucreries du pays.

Oui, et c’est logique, seule la bouche des gens modestes peut dire des mots pareils, seul le cœur de gens modestes peut éprouver des sentiments pareils, tout comme seul le cœur des gens modestes abrite la dignité et le courage qui permettent de défendre aujourd’hui la souveraineté de notre patrie (applaudissements). Seul le cœur des gens modestes abrite les meilleures vertus de notre peuple, seul le cœur des gens modestes abrite l’honneur et la force de la Révolution, tout comme seul le bras des gens modestes produit le pain que mange notre peuple, les vêtements, les chaussures que porte chaque citoyen, la maison qu’il habite, les biens matériels qu’il consomme et qui ne proviennent que de la sueur de ceux qui travaillent, de l’effort de ceux qui produisent. Ce n’est que de ces mains-là que proviennent tous les biens et toutes les richesses de notre patrie (applaudissements). Des richesses, d’ailleurs, que consomment aussi les parasites qui restent encore ici, car il en reste, qui ne le sait ?, des profiteurs, des égoïstes, et ça sera comme ça encore pendant un certain temps.

Mais il est temps d’arranger les choses dans notre pays afin que les avantages de la société, et les biens de la société et les richesses de la nation aillent à ceux qui travaillent qui produisent (applaudissements).

C’est tout à fait juste. Bien entendu, ce qui est juste dans l’esprit du travailleur ne l’est pas dans celui de l’exploiteur. Ce qui est juste dans la pensée du peuple, dans la pensée des grandes majorités ne l’est dans celles des minorités privilégiées.

Mais il faut toujours mieux faire les choses de façon que la jouissance des biens sociaux ne soit pas aussi ciblée. Que se passe-t-il en effet ? Bien souvent, ceux qui jouissent des biens sociaux, des biens les meilleurs et les plus abondants sont ceux qui ne lèvent pas le petit doigt pour la société. Ceux qui ont le plus disposent encore librement de nombreuses richesses.

Nous avons ces plages, ces édifices, ces centres touristiques, d’accord, mais que se passe-t-il ? Que l’ouvrier du sucre, le travailleur agricole, qui gagne moins de trois pesos de salaire, bien que ce soit lui qui soutienne l’industrie sucrière qui est la base de notre économie, car sans sucre… Non, je ne vais pas reprendre le fameux axiome de « Sans sucre, pas de pays »… Ou plutôt je vais l’utiliser dans un sens différent, pas comme l’entendaient les latifundistes comme prétexte pour maintenir la monoculture dans notre pays. Non. En tout cas, c’est nous qui pourrions dire maintenant : sans sucre, pas de pays, puisque le sucre est tout bénéfice pour le pays. Ce qu’il voulait dire en fait, eux, c’était : « Sans sucre, pas de millions pour les latifundistes et les propriétaires terriens. »

Mais, par là, je veux dire autre chose : le sucre est notre devise, le sucre est la garantie de toutes nos importations, depuis les médicaments et les machines jusqu’au carburant.

Sans l’effort des ouvriers qui cultivent la canne, la coupent et l’élaborent, aucune voiture de luxe ne se promènerait sur les routes, il n’y aurait pas d’essence, pas de pneus, il n’y aurait rien.

Pourtant, un ouvrier agricole ne peut pas venir à Varadero, tandis que le moindre spéculateur, qui gagne trente ou quarante pesos par jour pour faire n’importe quoi, peut venir et s’installer à l’hôtel Internacional ! Son carnet d’approvisionnement ? Qu’est-ce que ça peut lui faire ? Avec le carnet, il achète pour trois jours ; les quatre autres jours, il mange au resto. Parce qu’il y a des restaurants ici, dont les prix sont relativement chers et ne sont pas à la portée, en tout cas, d’un ouvrier. C’est d’ailleurs pour ça que le Gouvernement révolutionnaire a décidé de doubler les prix de tous les restaurants de luxe (applaudissements), parce que si les ouvriers ne pouvaient pas y entrer, qu’au moins les richards paient le double. C’était correct.

Mais qu’est-ce que ça peut lui faire à un spéculateur qui gagne trois mille pesos par mois ? C’est lui qui peut payer cinquante pesos pour trois dindes. Et ça crée des problèmes, bien entendu. C’est lui qui recourt au marché noir, qui corrompt le paysan dont il éveille les ambitions. La Révolution ne tient pas à imposer des restrictions qui compliqueraient les choses, elle veut laisser la plus grande liberté possible aux paysans pour disposer de leurs produits. Si tout le monde était ouvrier, s’il n’y avait pas de parasites, personne ne pourrait arriver en voiture et acheter trois dindes à cinquante pesos. Si vous les laissez, ces gens-là vous mangent tout à eux seuls !

Tenez, à l’occasion d’une manifestation contre-révolutionnaire à El Cano, le Gouvernement révolutionnaire a dû confisquer les biens de tous les bourgeois de l’endroit. Et l’un d’entre eux gagnait trois mille pesos par mois avec une petite tuilerie.

Le problème, c’est que les bourgeois conservent une foule de privilèges. N’importe quel bourgeois, qui ne produit même pas un grain de maïs ou un morceau de sucre descend pourtant à l’hôtel Nacional, mange dans tous les restaurants. Des restaurants que n’a pas construits la Révolution, bien entendu. Si la Révolution devait construire quelque chose, ce serait un réfectoire populaire (applaudissements). Tout le monde comprend que nous ne pouvons pas nous payer ce luxe. Si nous avions au moins du tourisme ! Mais les impérialistes, qui n’arrêtent pas de nous agresser, ont interdit aux Étasuniens, entre autres choses, de venir à Cuba.

Qu’est-ce que ça peut lui faire au peuple, un restaurant de luxe, s’il n’y va jamais ? Il a besoin d’un réfectoire plus modeste, propre, dans de bonnes conditions d’hygiène. Mais un restaurant de luxe ? Pourquoi voudrait-il du luxe, le peuple ? Pourquoi voudraient-ils du luxe, les travailleurs ? (Applaudissements.) Nous nous développerons sur le plan économique, nous améliorerons tout, mais tous à égalité.

Mais c’est ça, l’héritage du capitalisme. Une bonne quantité de ces endroits ont été organisés en centres de production, en écoles, en sièges pour délégués de congrès nationaux et internationaux. Nous les avons reconvertis du mieux possible, mais il reste encore beaucoup d’endroits à la portée des privilégiés.

Tenez, je vais vous donner un exemple. À Santa María del Mar, une plage qui ressemble un peu à celle-ci, mais qui est assurément une belle plage, et où vivaient des nombreux riches qui sont partis du pays, le Gouvernement révolutionnaire a récupéré plusieurs centaines d’appartements et de villas. Qu’en faire ? Un peu comme nous avons fait dans les marais de Zapata, où nous avons transformé une installation touristique qui n’avait plus de sens en une école technique de la mer pour trois mille marins. Santa María, qui est tout près de La Havane, nous allons en faire une villégiature. Pour qui ? Eh bien, pour les travailleurs ! (Applaudissements.)

Mais nous avons fait un petit règlement. Qui aura le droit d’y aller ? Si vous l’ouvrez à tout le monde, vous n’aurez plus assez de villas. Les bourgeois vont y arriver avec tous les autres en voiture, ils vont les louer toutes. Si vous fixez des tarifs trop élevés, il n’y en aura que pour eux ; si vous les fixez trop bas, ils vont de toute façon arriver les premiers en voiture… Que faire, donc ? Eh bien, le règlement dit : « …pour travailleurs organisés, membres des Forces armées révolutionnaires, retraités et pensionnés… » (Applaudissements.)

Les tarifs ? On les a fixés juste pour garantir l’entretien. Combien de temps ? Le séjour est limité, pour que le plus grand nombre possible de gens puissent en profiter. On y a aussi installé une espèce d’épicerie, pour que les gens puissent utiliser leur carnet d’approvisionnement, ainsi qu’un bateau de pêche, pour qu’il y ait du poisson frais au menu. Donc, une fois là, les gens s’en sortent avec leur carnet.

On n’a même pas eu besoin de faire de la pub. Ça s’est rempli de travailleurs !

Question tarifs, quand il s’agit d’un ouvrier qui gagne peu et dont un proche est malade – pas pour des congés – on les baisse autant qu’il faut. Ainsi donc, si vous êtes vraiment dans le besoin, vous pouvez y aller aussi.

Quelques jours après, d’autres gens ont commencé à arriver. Par exemple, un camionneur qui travaille à son compte. Il dit : « Je suis un travailleur. » Alors, on est venu me demander s’il avait le droit. Et j’ai répondu : « Non, il n’a pas le droit. » Pourquoi ? Parce que ce droit est acquis à celui qui travaille pour la société, pas à celui qui travaille pour lui (applaudissements). Il y a de nombreux travailleurs à leur compte, qui n’exploitent personne, qui travaillent. En tout cas, un camionneur qui travaille à son compte gagne vingt, ou trente, ou quarante pesos par jour, ou alors un chauffeur de taxi, qui en gagne cinquante. Serait-il juste que l’un d’eux ait les mêmes droits que le cheminot ou que celui qui conduit un camion de travaux publics ou que celui qui travaille dans une entreprise intégrée qui touche un salaire de cinq, six, sept ou huit pesos ? Ce ne serait pas juste. Donc, si la société a quatre cents villas, elle doit donner la préférence à ceux qui travaillent pour elle (applaudissements). Sinon, celui qui travaille pour la société et s’efforce de produire pour tout le peuple serait désavantagé par rapport à celui qui travaille pour lui-même.

Libre à vous de travailler pour vous seul et de gagner tout l’argent que vous voulez. En tout cas, comme nous n’avons pas toutes les villas que nous voulons, mais seulement trois cents ou quatre cents, nous les ouvrons d’abord au travailleur qui en a besoin.

Nous devons faire pareil à l’avenir – pas cette année-ci – pour d’autres choses, comme les bourses d’étude. Bien entendu, nous avons offert des bourses à tous les jeunes qui ont participé à la Campagne d’alphabétisation. Dans ce cas, nous ne leur avons pas demandé –et ç’aurait été injuste de le faire – si leur famille avait de l’argent ou pas : tous ces jeunes gens ont fait un travail extraordinaire et nous leur avons offert des bourses à tous, s’ils le voulaient.

Mais, à qui les offrir à l’avenir ? Eh bien, aux enfants de travailleurs et de paysans pauvres (applaudissements).

C’est pareil dans un autre cas. Par exemple, la quantité de touristes qui vont toutes les semaines dans les pays socialistes. J’en ai discuté avec le directeur de l’Institut national du tourisme (INIT). Une trentaine dans chaque vol, soit mille deux cents au total par an. Je lui disais : écoutez, ces billets d’avion, ces places que nous avons dans les avions, il ne faut pas les réserver à ceux qui ont de l’argent. Imaginez un peu, les bourgeois à Moscou ! Le comble, c’est que notre tourisme serve à transporter des bourgeois à Moscou. Non, et non ! (Applaudissements.) Au pays des travailleurs, ce ne sont pas les bourgeois qui doivent y aller. Les bourgeois, à Miami ! (Applaudissements.)

À qui devons-nous réserver cette place dans l’avion, et des crédits pour aller visiter le pays des travailleurs, les pays socialistes ? (Cris de : « Aux travailleurs ! ») Aux travailleurs ! Parfait ! Mais à quels travailleurs ? Aux travailleurs exemplaires, aussi bien ceux du ministère des Industries que ceux qui sont élus en assemblées et qui sont plusieurs milliers. Donc, en vertu d’un accord entre l’INIT et la Centrale des travailleurs, s’il faut ouvrir un crédit, on l’ouvre ; si le syndicat doit en avancer une partie, ça se fait ; l’autre partie, le travailleur la paie grâce aux crédits que lui offre l’État, autant qu’il le faudra pour répondre à ses besoins en fonction de son salaire : s’il touche un bon salaire, le délai de remboursement se réduit, ou s’il a fait des économies ; si son salaire est bas, alors, autant de délai de remboursement qu’il faudra. En tout cas, que cette place dans l’avion pour aller en Europe et connaître le monde, ce ne soit pas pour un bourgeois. Que ce soit pour un travailleur, et un travailleur exemplaire !

Nous avons dit que c’est une révolution socialiste ! Nous avons dit que nous sommes en train de créer une société nouvelle, la société des travailleurs où tous les avantages sociaux, et tous les bénéfices et toutes les richesses sociales doivent être de plus en plus pour le travailleur, pour les enfants et pour les personnes âgées (applaudissements). Les seuls à avoir le droit à l’avenir de recevoir de la société tout ce dont ils ont besoin sans travailler, ce sont les enfants, les malades et les personnes âgées ! (Applaudissements.)

Dans notre pays, les parasites sont de trop ! (Cris de : « À la porte ! ») Combien de temps cette classe parasitaire durera-t-elle dans notre pays ? Autant qu’elle le voudra et que nous serons disposés à la tolérer. Tout le monde sait que les bourgeois de notre pays ont mis leur espoir dans l’empire yankee, mais nous savons, nous, que cet espoir est toujours plus illusoire et éloigné, et qu’ils dureront autant que la Révolution sera disposée à les tolérer (applaudissements) Et la Révolution tolérera-t-elle cette classe parasitaires ? (Cris de : « Non ! ») La tolérera-t-elle ? (Cris de : « Non ! ») Alors, disons que la Révolution la tolérera le minimum nécessaire, autant que cette classe la tolérera, elle.

Mais ces messieurs-là qui jouent avec le feu de la Révolution, qui sont durs d’oreille, ne savent pas que cette Révolution est une révolution de prolétaires et de paysans (applaudissements), qu’elle possède dans le peuple une réserve infinie d’énergie, de fierté, de dignité, parce qu’elle a raison, parce qu’elle est morale, parce qu’elle défend un principe juste, parce qu’elle incarne les aspirations des masses. Ces gens-là, qui sont intoxiqués par les commérages et les rumeurs et les inventions qu’ils préparent et propagent eux-mêmes, qui vivent dans le cercle vicieux de leurs copains, qui se chuchotent des choses à l’oreille (rires), qui se sont faits des illusions avant Playa Girón, comme ils s’en étaient faits à l’époque des bandes armées dans l’Escambray, qui se sont faits des illusions lors de la conférence du Costa Rica et de celle de Punta del Este, qui se sont faits des illusions quand les États-Unis ont cessé de livrer du pétrole, quand ils nous ont retiré nos quotas d’exportation de sucre, qui se sont faits des illusions à chacun des traquenards des gringos impérialistes (Cris de : « À la porte ! »), à chacun de leurs coups de poignard à la Révolution, ces gens-là, donc, n’ont toujours pas compris que la Révolution est un fait irréversible dans l’histoire de la nation cubaine.

Ces gens-là qui se sont réjouis quand le sang des meilleurs enfants de la patrie coulait ; ces gens-là qui applaudissaient à l’assassinat d’un instituteur, qui sont les complices des impérialistes qui ne reculent devant aucune agression, devant aucune horreur ni devant aucun crime. Voyez les faits, voyez les crimes quotidiens des impérialistes. Ce n’est pas seulement hier qu’ils ont tué, quand des jeunes apparaissaient assassinés à tous les coins de rue, dans les jardins publics, en banlieue, ce n’est pas seulement hier qu’ils ont torturé. Non, aujourd’hui, les impérialistes organisent ces mêmes tortionnaires, ces mêmes criminels, et nous voyons les agents de l’impérialisme yankee répéter n’importe où dans le pays les crimes de l’époque de Batista !

Ils assassinent aussi bien un instituteur bénévole qu’un alphabétiseur imberbe en même temps que le paysan à qui il apprenait à lire et écrire, après l’avoir lardé de coups de couteau, ou qu’un alphabétiseur populaire, ou qu’un ouvrier dans la base de Guantánamo, ou que des jeunes d’à peine quatorze et quinze ans, ou que tout une famille paysanne, ou alors ils enlèvent un humble pêcheur qu’ils tuent en le tabassant et en le torturant…

Voilà les faits de l’impérialisme, voilà sa mentalité, voilà sa politique. Ces gens-là assassinent un caporal, ou un sergent, ou un soldat de l’Armée révolutionnaire, qui n’est ni le caporal ni le sergent ni le soldat parasitaire d’hier, mais un soldat qui coupe la canne, qui gagne la première place dans l’émulation, qui édifie une cité scolaire pour les enfants des paysans ! (Applaudissements.) Cet homme en uniforme qui n’est pas l’abuseur d’avant, qui ne tabasse personne, qui ne s’en prend pas au paysan ni à l’ouvrier, ce soldat de la patrie d’aujourd’hui, ce soldat exemplaire, ils l’assassinent lâchement, ils le font monter dans une voiture comme s’ils voulaient le conduire quelque part, et ils l’assassinent, tout comme ils assassinent une personne de soixante-deux ans à Güines. Ils croient pouvoir faire peur au peuple comme ça, ils croient pouvoir intimider un peuple comme le nôtre ! (Applaudissements prolongés et cris de : « Nous vaincrons ! »)

Comment la Révolution, comme le peuple va-t-il se laisser intimider, s’il n’était pas intimidé hier quand il était désarmé face aux crimes des sbires ? Comment va-t-il se laisser intimider aujourd’hui qu’il est armé jusqu’aux dents ? (Applaudissements.)

Ses crimes contre des alphabétiseurs, contre des femmes, contre des enfants, contre des personnes âgées, nous offrent le portrait en pied de l’impérialisme. Aussi la Révolution, le peuple, qui a lutté hier contre le crime, doit-il lutter aujourd’hui contre le crime, doit-il continuer de lutter contre les tortionnaires, contre ceux qui tuent un alphabétiseur à coups de couteau, ou un pêcheur. Sans jamais recourir au crime ni à la torture contre les sbires, contre les criminels de l’impérialisme. Ces armes-là, ce sont leurs armes à eux, celles des sbires, des impérialistes et de leurs agents.

La Révolution n’assassine personne, ne torture personne. La Révolution recourt à la loi face à ses ennemis et, le front haut, et au nom de la justice, elle les fusille ! (Applaudissements et cris de : « La vermine, au poteau ! ») Eux, ils doivent assassiner, torturer, poignarder, tuer dans l’ombre, tuer l’ouvrier, tuer le soldat, tuer le milicien, tuer l’alphabétiseur, tuer l’instituteur bénévole, tuer le pêcheur, tuer l’alphabétiseur populaire, parce qu’ils agissent au nom de l’exploitation. Comme ils ne peuvent brandir aucun principe juste, ils doivent être des criminels et tuer n’importe qui. Un alphabétiseur. Lequel ? Qu’importe ! Le premier qui passe, même s’il n’a que quinze ans. Un pêcheur. Lequel ? Qu’importe ! Un soldat. Lequel ? Qu’importe ! Une femme. Laquelle ? Qu’importe ! Un ouvrier. Lequel ? Qu’importe ! Ils assassinent n’importe qui !

Ils ne punissent pas le délit, parce qu’ils sont eux-mêmes le délit. Ils veulent assassiner le symbole, ils veulent châtier le fait d’être ouvrier, d’être révolutionnaire, d’être instituteur, d’être alphabétiseur, d’être travailleur. Eux, les sbires des exploiteurs et des monopoles, ils veulent punir ce qui n’est pas punissable, ils veulent torturer la classe ouvrière. Et quand ils assassinent n’importe quel ouvrier, c’est un crime contre la classe ouvrière, c’est une preuve de haine envers la classe ouvrière.

Les ouvriers n’agissent pas ainsi. Ils fusillent un bourgeois, non parce qu’il est un bourgeois, mais quand il s’agit d’un saboteur, d’un terroriste, d’un contre-révolutionnaire ou d’un bandit contre-révolutionnaire. La classe ouvrière punit le crime, la trahison de la patrie, et les fait retomber sur la tête des coupables.

Eux, non. Ils agissent maintenant comme durant la guerre. Avant, dans la Sierra Maestra, n’importe quelle troupe de la tyrannie assassinait vingt paysans. Parce qu’ils avaient fait quelque chose ? Non. Parce que c’étaient des paysans : juste pour semer la terreur. Et aujourd’hui, ils agissent pareil : pour semer la terreur, la peur.

Ces assassins sont bien souvent des agents que l’impérialisme forme aux États-Unis et qu’il infiltre par la côte pour faire des sabotages, pour commettre des crimes, pour décourager, pour intimider, pour semer la terreur. Mais ce n’est pas nouveau. C’est ce que les bandes réactionnaires ont toujours fait dans toute l’histoire de l’humanité. On reconnaît quelqu’un à ses actes, dit-on. Eh bien, les réactionnaires, on les reconnaît universellement à leurs faits, à leurs crimes, à leur sauvagerie.

Ce qui est de toute façon un symptôme d’impuissance face à notre peuple, à notre peuple solide et héroïque, à notre peuple couvert de dignité qui se heurte aux difficultés et les surmonte. Nous ne nions pas que nous ayons des difficultés, mais nous les surmonterons.

Des obstacles, de grandes difficultés se dressent sur notre chemin. Mais beaucoup proviennent de la présence de secteurs parasitaires dans notre pays, ceux dont je parlais avant, ces riches bourgeois, usufruitiers de ce que notre pays a de meilleur, qui s’efforcent de nous démoraliser, qui sèment le chaos dans la distribution, qui cherchent un ami médecin pour se faire délivrer un certificat de régime alimentaire, même s’ils ne sont pas malades, qui vont chez le marchand de chaussures ou de vêtements pour lui dire : « Mettez-moi de côté tant de mètres d’étoffe ou tant de paires de chaussure », qui ont toujours droit à la meilleure viande. Ces gens, qui sans rien produire sont les usufruitiers de ce qu’il y a de mieux, sont l’assise sociale de la contre-révolution.

Quand vous voulez savoir ou quand vous vous demandez qui donc appuie les contre-révolutionnaires, qui appuie les voyous – parce que les voyous, les vicieux, la scorie sociale se sont unis aux bourgeois – eh bien sachez que ce sont les bourgeois, ruraux et urbains, qui leur donnent de l’argent, qui leur prêtent leurs voitures, qui leur fournissent un appui.

Car, de même que l’assise de la Révolution, c’est la classe ouvrière, les classes travailleuses, de même l’assise de la contre-révolution ce sont les parasites, les bourgeois de la ville et de la campagne.

Je vous disais voilà un moment qu’ils dureront en tant que classe en fonction de leur conduite et de leur attitude (applaudissements). Et que la Révolution des ouvriers et des paysans n’a pas peur des bourgeois. La Révolution des ouvriers et des paysans sait qu’elle est assez forte pour les liquider en tant que classe économique dans notre pays (applaudissements) et se passer de leurs services au moment voulu.

En attendant, nous devons continuer d’organiser notre république et notre pays de sorte que les avantages soient toujours plus en faveur de ceux qui travaillent et toujours moins en faveur des parasites (applaudissements). À cet égard, la Révolution fera ce qu’il y a de plus juste.

Et ici, à Varadero, refuge de grand nombre de parasites et des bourgeois (huées), il est bon que les compagnons de l’Institut national de l’industrie touristique commencent à penser comment mettre cette merveilleuse plage au service des travailleurs (applaudissements et vivats à Fidel).

Qu’à l’époque capitaliste, un ouvrier ne puisse pas venir ici, ça s’explique ; qu’à l’époque capitaliste, un bourgeois vienne ici, ça s’explique. Mais qu’à l’époque de la Révolution socialiste, ce soit surtout les bourgeois qui jouissent de cet endroit, ça non, ça ne s’explique pas !

Aussi, si quelqu’un doit travailler et se charger du service, alors qu’il serve un travailleur ; si une lavandière doit laver des draps dans lesquels dort un client, alors que ce client soit un travailleur ; que tous ces services qui impliquent du travail soient de ceux qui travaillent et qui produisent. Les bourgeois ? Qu’ils se débrouillent avec leur argent ! À quoi ça pourra bien leur servir puisque les privilèges se terminent ?

Bien sûr, ce n’est pas facile, ça exige beaucoup d’organisation, beaucoup d’effort, beaucoup d’élévation de la conscience idéologique des travailleurs. Il ne suffit pas de faire la liste de nos aspirations et de nos droits. Nous savons que nous sommes en train de créer un monde nouveau, et que ce monde appartiendra au peuple, qu’il appartiendra à ceux qui produisent, aux générations futures.

Nous nous moquons, ou plutôt nous pourrons nous moquer, ou encore nous pourrons regarder sereinement, si vous voulez, nos difficultés. Pour aujourd’hui, disons, non pas que nous nous en moquons, mais que nous les regardons sereinement. Demain, nous en rirons parce que nous savons que nous marchons sur des bases solides, sûres. Pour l’instant, nous devons travailler.

Le compañero Becquer disait que l’avenir ou l’abondance était à nos portes. Et je lui disais : non, l’abondance n’est pas à nos portes, tant s’en faut.

Oui, elle est loin. Avec quelles usines, avec quels techniciens ? Ici, nous avions quatre vieilles usines, quelques sucreries dont vous savez bien que la plus récente datait d’une trentaine d’années. Il n’y avait rien, si l’argent s’enfuyait, si les riches investissaient leur fortune dans ces palaces ou l’emportaient à l’étranger, laissant le peuple sans instruments de travail.

Ils nous parlent maintenant des « difficultés du socialisme ». Il faut en avoir, du culot ! Et des difficultés que nous a laissées le capitalisme ici, pourquoi n’en parlent-ils pas ? De la pauvreté, de l’inculture, de la carence d’instruments de travail (applaudissements) ?

S’ils nous avaient laissé une industrie métallurgique, s’ils nous avaient laissé une industrie textile, bref, une industrie de tous les types, s’ils avaient développé notre agriculture, et que nous en ayons hérité, que ce serait bien, quelle merveilleuse abondance !

Mais qu’est-ce qu’ils nous ont laissé ? Le vice, la corruption, la politicaillerie, du vent, pour ainsi dire (applaudissements). Voilà ce qu’ils nous ont laissé. Ils ne vont berner personne avec ça. C’est pareil pour les impérialistes : ils sont ravis de penser que nous avons faim, que nous sommes dans la misère, que nous avons des difficultés, après nous avoir enlevé nos quotas d’exportation de sucre, après avoir interdit nos exportations, après avoir saboté le commerce de notre pays qui est un pays de monoculture et qui dépend d’un seul marché. Après les coups que l’impérialisme a assenés à notre pays, l’étonnant, ce n’est pas que nous ayons quelques difficultés, l’étonnant c’est que nous ayons pu résister. C’est ça qui devrait les étonner ! Quel gouvernement aurait résisté à tout ça ? Quel gouvernement bourgeois aurait résisté à de telles agressions ? (Applaudissements et cris de : « Nous vaincrons ! » et autres slogans révolutionnaires.)

Ils jouissent de penser à nos difficultés et ils veulent faire croire au monde qu’elles sont la conséquence de la Révolution, et non celle de leurs agressions pour détruire la Révolution.

Ce qui est admirable, c’est que les Américains, qui avaient appris à notre peuple à voir le monde à leur manière, à dire « oui » s’ils disaient « oui » et à dire « non » s’ils disaient « non », à lui faire croire qu’ils renversaient des gouvernements rien qu’en remuant le petit doigt, n’aient pu renverser personne ici, alors pourtant qu’ils ont remué non seulement le petit doigt, mais même la main complète et jusqu’au pied avec leurs gros sabots ! (Rires et applaudissements.) Qu’en plus de toutes leurs agressions économiques, ils aient organisé une expédition militaire et que nous la leur ayons « bazardé » en moins de soixante-douze heures ! Qu’ils aient organisé des bandes de toutes sortes et parachuté des milliers d’armes et que nous ayons récupéré toutes ces armes ! Qu’ils infiltrent des saboteurs, des « cinquième colonne », qu’ils assassinent des alphabétiseurs, et que l’alphabétisation se soit pourtant déroulée ! Qu’ils assassinent des miliciens, des travailleurs, et que le peuple soit pourtant plus solide !

Que personne ne soit dupe : ceux qui ont peur, ce sont les bourgeois (rires). La peur du bourgeois et du petit-bourgeois face aux difficultés. Les prolétaires n’ont peur de rien ! (Applaudissements, cris de « Non ! » et de « Nous vaincrons ! »)

Les travailleurs n’ont peur de rien. Ce sont les bourgeois qui ont peur, qui s’alarment, avec leurs fausses rumeurs, leurs racontars. Laissons donc leur peur aux bourgeois et à ceux qui se laissent influencer par eux. Que les bourgeois aient de l’influence, nous ne l’ignorons pas, pas plus que nous ignorons nos difficultés. N’oublions pas qu’ils nous ont laissé un pays très pauvre, que nous devons édifier un pays nouveau et que nous devons le faire par nos propres efforts. Mais sachons aussi, tout d’abord, que nous sommes en train de surmonter les difficultés. Nous avons maintenant un peu plus d’expérience, un peu plus d’organisation, nous avons corrigé de nombreux défauts, de nombreuses déficiences au travail, sur tous les fronts, dans tous les domaines, mais nous avons encore beaucoup à faire, à éduquer, à apprendre, à élever le niveau politique et le niveau de conscience des travailleurs, à faire en sorte que chacun ait le sens de son devoir, de ses obligations.

Bien sûr, des dizaines de milliers de personnes font du travail bénévole, se sacrifient, sont conscients, mais il faut inculquer cette conviction à bien plus, à des centaines de milliers, à des millions de gens ! Bien sûr aussi que les bourgeois conspirent pour que le moral de notre peuple ne s’élève pas, parce que ce sont des chiffes molles, des mauviettes, des râleurs sempiternels. Ils sont pareils à ceux qui, dans une place-forte assiégée, cernée par une armée ennemie, n’arrêtent pas de vous démoraliser. Ce sont des défaitistes ! Or, notre île est bel et bien assiégée par l’impérialisme ! Et nos bourgeois sèment le défaitisme. Eh ! bien, eux, ainsi que leurs prostituées et leurs voyous, il faut les traiter en défaitistes quand ils s’efforcent de miner le moral de la Révolutionnaire ! (Applaudissements.)

C’est un fait, nous avons eu des difficultés avec les approvisionnements, et les bourgeois en ont profité pour organiser des shows. Qui ont-ils recruté ? Eh bien, les individus que vous savez : des joueurs, des vicelards, des racoleurs de parti, la lie, quoi ! Des proxénètes, des prostituées ! (Huées.) Dans quel but ? Tout simplement, pour démoraliser. Et il faut les traiter comme on traite les défaitistes dans une ville assiégée par une armée ennemie. Et c’est bien comme ça que nous les traiterons. Ils le savent. Ils le savent pertinemment !

Le peuple comprend que ces défaitistes sont des traîtres à la nation, qu’ils veulent hisser le drapeau blanc, qu’ils veulent pousser la patrie à la reddition, la faire s’agenouiller devant l’Empire criminel (huées). Mais nous les traiterons comme il faut traiter les traîtres. Notre peuple, qui est incapable de plier le genou et qui ne se rendra jamais, traitera ses ennemis, les bradeurs de patrie, les « cinquième colonne » et les traîtres comme ils le méritent ! Et que nos difficultés ne les rendent pas insolents ! Car les difficultés aussi fortifient les peuples. Plus nous devrons lutter, et moins nous serons mauviettes, et plus nous nous débarrasserons de la mollasserie bourgeoise (rires et applaudissements), de la lâcheté que les bourgeois s’efforcent d’inculquer au peuple, de cette peur du sacrifice qu’ils s’efforcent de lui inculquer.

De quoi se plaignent les bourgeois, dites-moi un peu ? Est-ce qu’ils voudraient nous faire croire que les peuples ne savent pas résister, à nous qui avons vécu pendant deux ans dans la Sierra Maestra, où ne passait pas un morceau de sucre ni un grain de sel, pas une cigarette, pas un vêtement, pas une paire de chaussure, et où la population paysanne avait toute la sainte journée les avions qui tournaient au-dessus d’elle ? Et pourtant, cette population a résisté ! Dès le matin, les gens entraient dans les grottes, vivaient dans la terreur des avions, et pourtant aucun paysan ne s’est senti vaincu. Les gens savaient que c’était passager, qu’un jour ça finirait. Et les écoles, les hôpitaux, les crédits, l’aide d’aujourd’hui sont la meilleure récompense que peuvent avoir reçue ces paysans.

La capacité de lutte des peuples est énorme. Et ça, les bourgeois ne le savent pas : jusqu’où va le sacrifice du peuple, ce dont est capable un révolutionnaire, comment les révolutionnaires se préparent à n’importe quoi en n’importe quelles circonstances ! (Applaudissements.) Ça, c’est la vertu des peuples héroïques, la vertu des peuples qui ont le droit d’occuper une place dans l’Histoire. C’est celle de notre peuple ! Mais les bourgeois dédaignent notre peuple, ils le sous-estiment, ils le méprisent, ils le croient aussi mauviette qu’eux. Ils croient que l’esprit du prolétaire est pareil à leur esprit à eux, « de luxe et de volupté » ! Comme ils se trompent ! Ils ignorent que le peuple surmontera les obstacles. Le peuple est mieux organisé, il a plus d’expérience. Il y des tas de choses qui marchent mal, c’est d’accord, mais c’est justement contre ça que nous devons lutter, contre l’inefficacité, contre le bricolage, et tout le peuple ensemble, toutes les organisations de masse. Et le peuple luttera !

J’en reviens à ce que je disais au compañero Béquer : l’abondance, ce n’est pas demain la veille. Nos futurs ingénieurs, ils sont encore, pour le moment, des collégiens et des lycéens. Les futurs techniciens, aussi. Nous aurons une métallurgie, et notre programme d’industrialisation est en marche. Mais ce n’est pas pour demain ou après-demain ! Ça nous prendra des années, sachons-le. Et sachons aussi comment utiliser du mieux possible ce que nous avons pour l’instant, tout en préparant la nouvelle génération de techniciens, tout en promouvant nos plans industriels, afin d’avoir demain ce que nous n’avons pas aujourd’hui, afin de pouvoir nous moquer demain de nos difficultés d’aujourd’hui.

Avant-hier, piqué par la curiosité, je suis allé visiter le TU-114, ce gigantesque avion soviétique (applaudissements). J’y suis allé sans crier gare et j’ai rencontré deux techniciens qui ne parlaient pas espagnol, mais nous nous sommes très bien entendus par signes. En regardant cet appareil gigantesque aux lignes parfaites, qui peut emporter plus de deux cents passagers, un vrai train volant, cette machine parfaite, et même luxueuse, aux sièges confortables, avec des tablettes pour manger, et tous les services, je me suis souvenu des premières années de l’Union soviétique, de sa lutte contre les envahisseurs, contre les réactionnaires de tout poil. Je me suis souvenu d’un film où l’on voit la fabrication du premier tracteur, alors qu’ils en fabriquent maintenant des millions. En voyant cet engin parfait, j’ai pensé que c’était l’œuvre d’une révolution d’ouvriers et de paysans, qui a formé ses techniciens, ses ingénieurs, qui a construit ses usines, qui a tout fait. Et je me disais : que de sacrifices pour arriver à ça, que de misère, que de deuil a dû endurer ce peuple attaqué par les réactionnaires du monde entier pour pouvoir montrer au monde aujourd’hui cet engin si parfait, qui n’a rien à envier au meilleur engin de l’impérialisme, du capitalisme !

J’ai pensé aussi que nous autres, qui vivons nos premières années, nous sauterons de joie quand nous fabriquerons notre premier tracteur, notre premier bateau dans nos chantiers navals, notre premier moteur, grâce à nos mines, à notre acier, et tout ça élaboré par nos techniciens. Un jour, nous n’aurons plus ces vieilles sucreries, un jour, grâce à nos usines sidérurgiques, nous pouvons bâtir de nouvelles industries sucrières bien plus modernes. Ce sera là, bien entendu, notre récompense. Même si nous ne pouvons pas comparer notre situation à nous avec les dures années d’autres peuples, parce que nous ne ferons peut-être pas notre premier tracteur avant trois ou quatre ans, mais qu’en attendant nous en recevons par milliers, ainsi que des camions et des machines, des tours et des machines-outils (applaudissements).

Dès maintenant, nous faisons les plans concernant les machines-outils que nous allons donner à toutes les écoles techniques et aux instituts, des quantités énormes de machines-outils, d’usines… Nous recevons une aide fantastique, tandis que les Soviétiques n’ont pu recevoir l’aide de personne. Nous, combien de tracteurs ? Nous avons tant reçu que nous n’apprécions pas parfois à sa juste valeur la signification de ces machines, au point que des ouvriers, des administrateurs font preuve de négligence, parce que nous avons des tracteurs, des camions à ne plus savoir qu’en faire.

Donc, il est bon que notre peuple apprenne en luttant, en travaillant. Si on nous donnait à choisir entre une révolution sans difficultés, où tout serait facile et simple, et une révolution semée de difficultés, je choisirais la seconde (applaudissements), parce que ce sont les difficultés qui apprennent aux peuples et les grandissent.

Et nous ne serons un peuple organisé, discipliné, travailleur, combatif, méritant, qui remportera à l’avenir des succès extraordinaires que si nous savons nous sacrifier aujourd’hui. Si nous avions aujourd’hui une révolution pépère, peut-être le regretterions-nous demain, parce que nous n’aurions pas développé la force, l’énergie, la capacité dont nous avons besoin pour avoir des lendemains vraiment grands et ambitieux auxquels nous aspirons.

Bienvenue aux difficultés et bienvenue à la lutte, parce qu’elles nous fortifieront ! (Applaudissements.) Nous serons plus forts, nous nous dépasserons tous ; tous, sans exception, nous nous dépasserons dans la lutte et les difficultés, et nous irons plus loin ! Je peux le dire avec une conviction profonde, ici, devant des ouvriers émérites, devant des ouvriers qui donnent l’exemple, devant des ouvriers d’avant-garde, devant des travailleurs qui indiquent le chemin à suivre.

J’adresse mes félicitations les plus profondes et les plus émues à ces ouvriers plus que quinquagénaires (applaudissements), qui ont reçu des prix, qui ont été désignés travailleurs exemplaires, et aux jeunes qui ont été aussi distingués. Notre accolade de révolutionnaires.

Compagnons travailleurs, exemples vivants de dignité, de sacrifice, de patriotisme, vous êtes les plus grands héros de la patrie ! (Applaudissements.) C’est sur vos épaules de travailleurs exemplaires, de héros anonymes, c’est sur vos épaules – et je le dis ici avant de spontanéité et d’émotion que certains de ceux qui se sont exprimés ici – que s’édifiera, inébranlable et indestructible, la patrie de vos enfants, la patrie des générations à venir !

La patrie ou la mort !

Nous vaincrons ! (Ovation.)

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