Allocutions et interventions

DISCOURS PRONONCÉ PAR FIDEL CASTRO RUZ À LA CLÔTURE DU CONGRÈS DE L’ASSOCIATION DES JEUNES REBELLES, AU STADE LATINO-AMÉRICAIN, le 4 avril 1962

Date: 

04/04/1962

Compañeros et compañeras,
 
Ce meeting a pour nous – autrement dit nous qui sommes, pour ainsi dire, la génération de révolutionnaires plus vieux, la génération adulte de révolutionnaires – une signification spéciale. Parce que pour nous, qui avons quelques années de plus que vous, ce meeting est en quelque sorte la cristallisation de ce que veut la Révolution, la cristallisation de l’espoir de la Révolution.
 
Pourquoi est-ce que nous faisons la Révolution ? Est-ce que nous faisons la Révolution pour nous-mêmes ? Non, nous la faisons pour vous ! (Applaudissements.) Est-ce que nous faisons la Révolution par nous-mêmes ? Non, nous la faisons par vous ! Est-ce que nous pouvons faire la Révolution à nous tout seuls ? Non, nous ne pouvons la faire qu’avec vous ! (Applaudissements.)
 
La Révolution que nous faisons n’est pas celle que nous voulons ; la Révolution que nous voulons est celle que vous ferez, vous. La société dans laquelle nous vivons n’est pas celle que nous voulons ; la société que nous voulons est celle où vous vivrez, vous.
 
Nous avons eu, nous, le privilège ou le droit ou l’occasion de commencer à faire cette Révolution. Vous aurez, vous, en revanche, le privilège de la mener de l’avant. Nous avons dû la faire sans doute aux moments les plus durs, les plus difficiles, au moment où les idées devaient se frayer un passage au milieu de la forêt de préjugés, d’habitudes, de coutumes et de mœurs de la vieille société. Nous avons dû nous battre avec tout l’héritage que nous a légué le passé.
 
Mais nous sentons, je l’avoue, une émotion profonde, une compensation très grande quand nous commençons à voir en vous, dans cet immense contingent de jeunes, les fruits de la Révolution que nous faisons ; quand nous commençons à voir dans cette foule de jeunes le peuple de demain, l’image de l’avenir, la justesse de l’œuvre révolutionnaire.
 
Les jeunes Cubains ont absolument droit à l’affection du peuple, à son admiration, à son respect ; et ils ont tout à fait raison de se sentir orgueilleux, de se sentir satisfaits.
 
Pourquoi regardons-nous les jeunes avec admiration, avec affection ?  Parce qu’ils ont beaucoup fait pour la Révolution (applaudissements), qu’ils ont écrit des pages de très grand héroïsme dans cette Révolution, qu’ils nous ont donné des tas de raisons, et dans tous les domaines, d’avoir confiance en eux. C’est pour tout ce qu’ont fait les jeunes dans l’histoire de notre patrie, dans l’histoire de notre Révolution que nous croyons en eux, parce que croire dans les jeunes implique une attitude, une pensée. Croire dans les jeunes détermine une conduite, et la conduite, l’attitude de nous autres, les dirigeants révolutionnaires, ne seraient pas les mêmes si nous n’avions pas confiance dans les jeunes, si nous ne croyions pas en eux, et notre travail aussi serait différent, ainsi que les résultats.
 
Il faut croire dans les jeunes. Croire en eux, ce n’est pas voir uniquement la partie du peuple toujours enthousiaste, mais irréfléchie, pleine d’énergie, mais incapable, sans expérience, ou simplement avec ce dédain avec lequel les adultes les regardent bien souvent. Croire aux jeunes, c’est voir en eux, en plus de l’enthousiasme, la capacité ; en plus de l’énergie, le sens des responsabilités ; en plus de la jeunesse, la pureté, l’héroïsme, le caractère, la volonté, l’amour de la patrie, la confiance dans la patrie (applaudissements) ; l’amour de la Révolution, la confiance dans la Révolution, la confiance en eux-mêmes ; la conviction profonde que la jeunesse peut, que la jeunesse est capable ; la conviction profonde qu’on peut déposer de grandes tâches sur les épaules de la jeunesse !
 
Croire en la jeunesse, c’est voir en elle la meilleure matière première de la patrie, de la Révolution ; c’est regarder tout ce qu’elle peut faire, c’est voir en elle les dignes continuateurs, les meilleurs bâtisseurs de l’œuvre révolutionnaire, meilleurs que nous-mêmes. C’est voir en elle la génération de demain, une génération meilleure que la nôtre, dotée de bien plus de vertus et de bien moins de défauts que la nôtre.

Si nous croyons aux jeunes de notre pays et que nous avons une attitude déterminée envers eux, c’est parce qu’ils ont mérité notre confiance, le droit à notre admiration. Dans la lutte contre la tyrannie, pour la Révolution et la patrie, notre jeunesse a consenti tous les efforts, a payé un prix élevé en sacrifice, en sang et en vie. L’histoire de la Révolution, de la lutte du peuple contre la tyrannie, contre les oppresseurs, ne pourrait pas s’écrire, dans les villes, dans les campagnes, dans les montagnes et sur tous les fronts de bataille, sans une liste interminable de jeunes qui y sont tombés (applaudissements), sans une liste interminable de héros, de combattants.
 
Ces pages brillantes et héroïques, la jeunesse les a écrites non seulement dans la lutte contre les oppresseurs et pour la conquête du pouvoir, mais, une fois celui-ci conquis, dans la lutte pour défendre la patrie contre l’impérialisme et faire progresser la Révolution. Ce sont des jeunes qui se sont inscrits dans les contingents d’instituteurs pour aller enseigner dans les écoles des montagnes ; c’est un jeune, Conrado Benítez (applaudissements), qui a été le premier martyr dans la lutte contre l’ignorance ; et c’est un autre jeune, Manuel Ascunce (applaudissements), qui a donné sa vie héroïquement face aux bandes armées de l’impérialisme durant la Campagne d’alphabétisation.
 
Nos jeunes se sont particulièrement distingués pour défendre la patrie. Ce sont des jeunes de quinze à vingt ans qui, comme servants des pièces de D.C.A., ont combattu les avions ennemis avec un courage si extraordinaire (applaudissements), ce sont aussi des jeunes qui ont été nos artilleurs antichars (applaudissements). Et, dans les combats pour défendre la Révolution des attaques de l’impérialisme, les jeunes ont de nouveau payé très cher.
 
Mais pas seulement au combat, pas seulement dans la guerre ! Dans les tâches pacifiques, dans l’œuvre créatrice de la Révolution, aussi, ils ont écrit une des pages les plus glorieuses : leur contribution de cent mille « brigadistes » pour éliminer l’analphabétisme de notre patrie en seulement un an ! (Applaudissements.) Où trouver une plus belle page ? Une tâche plus utile que celle-là ? Que cent mille jeunes Cubains, dans un pays relativement petit, aient répondu à notre appel, soient partis dans les montagnes, y soient restés de longs mois pour remplir la tâche dont ils avaient été chargés, justifie le prestige de notre jeunesse et la confiance totale que nous avons en elle !
 
J’ai voulu signaler ces faits, parce que la jeunesse cubaine doit en être consciente, doit avoir une grande confiance en soi et aussi une grande conscience de son extraordinaire responsabilité. Tout ceci veut dire tout simplement que nous avons une grande jeunesse, une bonne matière première à partir de laquelle la Révolution doit travailler. La Révolution a besoin que chaque jeune ait confiance en soi, ait le sens de ses responsabilités, ait un niveau élevé de formation politique, soit enthousiaste, s’efforce de forger son caractère, essaye de faire de lui un grand révolutionnaire. C’est à partir de toutes ces vertus, de toutes ces caractéristiques de notre jeunesse que nous devons travailler.
Est-ce que ça veut dire, par hasard, que chaque jeune doit se sentir déjà un révolutionnaire, un grand révolutionnaire, un révolutionnaire formé, complet ? Oui ou non ? Chaque jeune se considère-t-il déjà un révolutionnaire complet ? (Cris de : « Non ! ») Non ! Pourquoi aucun jeune ne peut-il se considérer un révolutionnaire complet ? Parce que le révolutionnaire doit se faire, doit se forger. Il est donc très important de savoir clairement ce que doit être un jeune révolutionnaire.
 
Quels sont ceux qui auront le droit de s’appeler jeunes communistes ? Est-ce donc faire preuve d’extrémisme que de baptiser l’organisation de la jeunesse comme Union des jeunes communistes ? Non ! Non ! Parce que la fonction de cette organisation sera justement de former des jeunes qui aient une attitude communiste devant la société et dans la vie, de former des jeunes qui devront vivre dans une société nouvelle, dans une société différente, très différente de celle où nous avons vécu. La mission de cette organisation sera de former des jeunes capables de bâtir cette société et d’y vivre.

Notre génération actuelle n’est pas formée, n’est pas préparée pour vivre dans cette société-là. Elle a grandi et elle s’est éduquée dans la société capitaliste. La société capitaliste était tout d’abord la société de l’exploitation, la société des privilèges, la société de la discrimination, la société de l’inégalité, la société de l’égoïsme, la société où l’homme était l’ennemi de l’homme. C’est dans ces idées-là, dans ces mœurs-là que notre génération a été éduquée, avec tous les préjugés, tous les privilèges, toutes les inégalités et tout l’égoïsme qu’une société pareille devait graver dans le caractère et dans l’esprit de chaque citoyen.
 
L’existence de classes exploitées et de classes exploiteuses a entraîné cet affrontement d’intérêts, cette lutte de classe, ce choc d’intérêts, ce choc de classes qui laissent aussi de profondes marques dans l’esprit et le caractère des citoyens.
 
Nous connaissons tous des cas de familles divisées, où le père ou la mère avait des positions différentes face à la Révolution ; où le père ou la mère se trouve à l’étranger, ou les enfants sont parfois séparés de leurs parents, ou une partie de la famille se trouve à l’étranger et l’autre partie dans le pays. Nous savons tous que ce choc de classes, ce choc d’intérêts a laissé des traces dans beaucoup de foyers. C’est la conséquence inévitable de la société capitaliste, de la société d’exploiteurs et d’exploités.
 
Ça n’arrivera plus jamais dans notre patrie. À l’avenir, plus jamais  ces chocs n’existeront; à l’avenir, plus jamais les parents ne se diviseront entre eux, ou les parents avec les enfants, parce que les causes qui ont engendré ces terribles et douloureuses divisions, qui ont engendré ces blessures auront disparu pour toujours. Car, à l’avenir, notre patrie ne connaîtra jamais plus, et le monde connaîtra de moins en moins des sociétés d’exploiteurs et d’exploités, de privilégiés et de discriminés ! Les causes économiques et sociales qui engendrent ces antagonismes dans les sociétés humaines disparaîtront.
 
La société de l’avenir sera une société sans antagonismes sociaux, une société sans exploiteurs ni exploités, une société sans privilégiés ni discriminés !
 
Il valait donc bien la peine de verser tout le sang que nous avons versé et de faire tous les sacrifices que nous avons faits pour pouvoir enfin dire : notre société sera une société sans exploiteurs ni exploités, une société sans privilégiés ni discriminés ! (Applaudissements.)

Chaque citoyen s’habituera à regarder son semblable non comme un ennemi, mais comme un frère, non comme un fauve dont il doit se défendre, mais comme l’homme vraiment humain en qui il a un frère, quelqu’un qui l’aide. Il ne verra pas dans son semblable un supérieur ou un inférieur, mais un égal. Il ne verra pas des privilèges, mais du mérite, car c’est le mérite qui devra distinguer un citoyen d’un autre, qui devra être la seule règle qu’on puisse appliquer à chaque citoyen.
 
Nous vivrons dans une société sans égoïsmes ; nous vivrons dans une société sans haines ; nous vivrons dans une société où tous travailleront pour chacun et où chacun travaillera pour tous (applaudissements). Et ce monde-là sera bien meilleur, ce monde-là sera bien plus heureux.

Dans la société capitaliste, l’homme était quelqu’un d’isolé, d’acculé ; s’il se retrouvait sans travail, personne ne l’aidait ; s’il tombait malade, personne ne l’aidait ; s’il mourait, il n’avait aucun espoir qu’on aide ses enfants, qui seraient des miséreux, qui iraient nu-pieds, qui auraient faim, qui seraient à leur tour exploités.
 
Dans la société capitaliste, l’homme ne pouvait rien attendre de ses semblables, sinon le mal, sinon le préjudice.
 
Dans la société socialiste et dans la société communiste qui viendra ensuite, chaque homme, chaque enfant, chaque femme, chaque jeune, chaque personne âgée recevra l’aide et l’appui de millions de semblables. Tous les bras entreront en action pour habiller et chausser un enfant orphelin ! Tous les bras entreront en action pour nourrir l’enfant privé de tout, pour nourrir la personne âgée, pour nourrir le malade, pour nourrir et aider l’invalide ! Chaque citoyen pourra compter sur l’énergie et les ressources de tous ses semblables, de toute la société, pour se nourrir s’il a faim, pour être soigné s’il souffre d’une maladie, pour être aidé s’il est abandonné, pour être soutenu s’il ne peut plus travailler. Voilà la société socialiste, et la société communiste sera encore plus parfaite ! (Applaudissements.)
 
Nous travaillerons tous pour tous, nous travaillerons tous dans la mesure de nos capacités, et nous recevrons tous dans la mesure de nos besoins. Ça, ce sera la société communiste, la société où vous vivrez, vous, la société pour laquelle vous devrez vous battre et travailler (applaudissements).
 

La société socialiste est encore imparfaite, elle contient encore de nombreuses imperfections, mais elle est toutefois bien supérieure à la société capitaliste.
 
Notre peuple ne vit pas encore dans une société socialiste : il s’est engagé sur la voie du socialisme et il est en train de bâtir une société socialiste, mais ce n’est qu’une étape de transition inévitable, une étape qu’il ne peut sauter. Notre génération vivra dans cette société socialiste, et vous vivrez, vous, dans la société communiste (applaudissements).
 
Bien entendu, nous devons toujours être très conscients qu’il s’agit d’une étape de transition. Toutes les positions possibles pour bâtir cet avenir, pour bâtir cette société communiste future, nous devons les occuper ; toutes les percées que nous devons faire d’une manière réaliste, nous devons les faire.
 
Voilà notre norme : bâtir le présent d’une manière réaliste ; prévoir audacieusement la construction de l’avenir.
 
Et vous avez une grande responsabilité dans la construction de cet avenir-là.
 
Ce meeting clôt ce congrès. Vous avez adopté un nom à ce congrès : Union des jeunes communistes. Mais il y aura des conditions très spéciales pour appartenir à cette organisation, à une cellule de l’Union des jeunes communistes.
 
Quel sera ce critère ? Un critère sectaire ? Non. Le critère sera tout simplement la qualité et le mérite de chaque jeune. À ce sujet, aucune sorte de copinage ne peut influer, ou de fausse camaraderie. Les critères subjectifs, non plus.
 
Pour appartenir à l’organisation, en tout cas, chaque jeune doit prouver sans l’ombre d’un doute qu’il est vraiment un modèle, qu’il est vraiment digne de s’appeler jeune communiste.
 
Ça ne sera pas facile, car être jeune communiste ne vaudra pas dire bénéficier de privilèges. Bien au contraire : être jeune communiste signifiera sacrifice, renoncement, abnégation ; être jeune communiste signifiera forcer partout, par sa conduite, la reconnaissance et l’admiration de tous les autres jeunes, la reconnaissance indiscutable et l’admiration illimitée de tous les autres jeunes. Et cette reconnaissance ne peut venir du fait qu’il a été nommé à un poste quelconque ou quelqu’un l’a désigné : le critère sera, maintenant et toujours, la qualité et le mérite. Il ne s’agira d’un transfert d’autorité en provenance de l’organisation ; cette autorité devra provenir essentiellement du comportement de ce jeune, de sa conduite et de ses mérites devant les masses. Ce n’est pas, comme cela arrive parfois, que l’organisation donnera du prestige et de l’autorité à un jeune, mais justement le contraire : ce sera son prestige et son autorité auprès des masses que ce jeune transfèrera  à l’organisation (applaudissements).
 
C’est clair, non ? Le jeune ne devra pas dire : « J’ai de l’autorité à mon centre de travail, à mon centre d’étude, parce que je suis jeune communiste », mais : « Je suis jeune communiste parce que j’ai de l’autorité, du mérite et du prestige devant les masses. » Ce sont deux choses très différentes (applaudissements).
 
Voilà la règle, aujourd’hui et à l’avenir. Nous devons dès aujourd’hui commencer à forger des normes d’organisation, à appliquer une politique de méthodes correctes et de principes révolutionnaires. Si on ne l’applique pas, on en paie les conséquences tôt ou tard.
 
Tout le monde ne pourra pas être jeune communiste. Uniquement ceux qui s’en rendront dignes par leur conduite et leurs mérites.
 
Que faire d’un jeune qui a eu d’abord une bonne conduite, de grands mérites et qui, au fil du temps, cesse d’avoir ces vertus et ces mérites ? Tout simplement, le radier de l’organisation. Car il ne s’agit pas d’un droit à vie, d’un droit perpétuel, mais d’un droit gagné à coups de mérites qu’il faut savoir maintenir.
 
Je suis partisan de normes rigides, parce que ce sont les seules à pouvoir vraiment assurer la qualité requise et surtout pour qu’on sache, en parlant de « jeune communiste », qu’il s’agit d’un jeune bourré de mérites et de vertus. Le pire, ce serait qu’un jeune membre agisse incorrectement, se porte indûment, car il discréditerait non seulement la Révolution et l’organisation, mais jusqu’au communisme (applaudissements).
 
Il faut donc, dès maintenant, s’en tenir à des normes qui garantissent que le peuple puisse avoir une confiance absolue dans les membres de l’Union des jeunes communistes, autrement dit dans les jeunes communistes.
 
Un jeune auquel l’État assigne un poste de confiance bien rémunéré de cinq cents pesos largement supérieur à ses besoins parce qu’il n’a pas charge de famille, et qui se met tout simplement à profiter de ce salaire sans rien faire, ne pourra pas s’appeler jeune communiste (applaudissements).
 
Personne n’est appelé ou obligé à appartenir à cette Union : c’est une association absolument libre de jeunes révolutionnaires, mais elle n’entraîne aucun privilège. Au contraire : elle implique des sacrifices, de l’abnégation, du renoncement.
 
Bref, il faut de la trempe pour être un jeune communiste, il y faut du caractère, il y faut de l’abnégation, il y faut de la vocation, il y faut le sens du devoir. Si on est étudiant, alors il faut être forcément un bon étudiant ; si l’on travaille dans une usine, alors il faut être un ouvrier modèle ; il faut être un exemple de bon compagnon, il faut être un exemple de sacrifice, il faut être un exemple de volonté. Les jeunes communistes doivent être les premiers en tout : au travail, en sport, dans les rapports avec les autres compagnons.
 
Un orgueilleux ne peut pas être un jeune communiste. Le jeune communiste doit être avant tout un compagnon modeste, car la modestie est une des premières vertus du révolutionnaire (applaudissements). Celui qui se croit supérieur aux autres ou qui traite les autres de haut ne peut pas être un jeune communiste ; celui qui étale devant les autres ses soi-disant vertus ne peut pas être un jeune communiste ; celui qui refuse la camaraderie aux autres, celui qui refuse d’aider les autres, celui qui refuse de l’aide généreuse aux autres, celui qui veut couler les autres, les fouler au pied au lieu de les aider, ne peut pas être un jeune communiste (applaudissements). Car le jeune communiste doit être un apôtre de ses idées, un prédicateur de ses idées, et il doit prêcher tout d’abord d’exemple. Il doit conquérir les jeunes, et non les épouvanter. Celui qui épouvante les jeunes par des méthodes despotiques, par son mépris et par sa carence de générosité ne peut pas être un jeune communiste.
 
Le jeune communiste doit gagner les autres jeunes, les conquérir à sa cause par son exemple ; les attirer dans les rangs de la Révolution ; les aider, leur apprendre, leur donner l’occasion d’apprendre, leur donner l’occasion de rectifier. Un jeune communiste ne peut pas nourrir de haines. Sa haine, il doit la porter contre les exploiteurs, contre les ennemis de la Révolution, contre les exploiteurs de l’humanité, contre les impérialistes, contre les va-t-en-guerre.
 
Il ne peut sentir de haine envers son jeune compagnon d’étude ; il doit sentir de l’affection pour lui, il doit le gagner à sa cause. Il est bon de le souligner, parce qu’il y a des gens qui ont pour système d’éloigner les autres de la Révolution au lieu de les attirer ; de les traiter à coups de pied au lieu de leur tendre la main ; de gagner des ennemis à la Révolution, au lieu de lui gagner des amis.
 
Le devoir de chaque révolutionnaire est de gagner, d’ajouter, et non de perdre, de soustraire. De rapprocher de la Révolution, non de l’en éloigner. Et si cette norme est valide pour n’importe quel révolutionnaire, elle l’est encore plus pour les jeunes. Il faut que les jeunes se respectent entre eux, qu’ils soient loyaux entre eux, qu’ils pratiquent entre eux de bonnes normes de rapports humains.
 
Compañeros, il est très important de savoir maintenir des normes de rapports humains, d’aider son compagnon quand il est déprimé, ne pas le décourager, ne pas se moquer de lui, ne pas plaisanter à ses dépens. Si nous estimons qu’un compagnon a tel ou tel défaut, n’en parlons pas à cinquante autres pour qu’ils en aient à leur tour une opinion négative : allons le voir directement et signalons-lui le défaut en question (applaudissements).
 
Nous ne rendons aucun service à un jeune en parlant à tout le monde de ses défauts ; en revanche, nous lui faisons du bien en allant le voir et en les lui signalant. Ou alors en le faisant, non dans son dos, mais devant la cellule, ou à l’assemblée de classe ou d’usine, au niveau correspondant.
 
Ça oui, ce sont des critiques positives ; ça oui, c’est rendre service aux autres. Nous avons dit à un moment donné : Guerre au sectarisme. Eh bien, je dis maintenant : Guerre à l’intrigue, guerre aux commérages, guerre aux rumeurs dans le dos des autres, guerre à l’impolitesse (applaudissements), guerre au mensonge, guerre à l’hypocrisie, guerre à l’insincérité !
 
Si vous avez quelque chose à dire à un compagnon, dites-le-lui en face, pas aux autres. En face, pas dans le dos ! (Applaudissements.)

De plus, il faut être compréhensifs, il faut aider le jeune, pas l’abattre ; il faut lui donner l’occasion de rectifier, de s’éduquer, de changer.
 
D’après les Statuts, aucun jeune qui ne soit pas un modèle de travailleur ne peut être jeune communiste ; aucun jeune qui redouble ne peut être jeune communiste (applaudissements).
 
Bon travailleur, bon étudiant, bon sportif. L’organisation dispose de cadres permanents. Mais celui qui est à l’université, dans une école technique, au lycée, ou dans n’importe quel établissement doit réussir son année. S’il échoue, il cesse automatiquement d’être membre de l’Union des jeunes communistes (applaudissements).
 
Par ailleurs, le jeune communiste doit être prêt à donner sa vie pour la Révolution et la patrie, sans la moindre hésitation (applaudissements). C’est là une condition essentielle. Le jeune communiste doit donc forger son caractère et ses idées en fonction de ces attributs, de ces qualités, de ces vertus, afin que le devenir soit l’aspiration la plus élevée, la plus prisée de n’importe quel jeune.

Mais il ne s’agit pas seulement de nous : notre jeunesse doit être aussi un exemple pour la jeunesse révolutionnaire d’Amérique latine, doit marcher à l’avant-garde.
 
L’Amérique latine est un sous-continent où s’enfle la vague révolutionnaire. Les impérialistes tentent de la freiner, tentent, ce qui est impossible, de l’empêcher d’avancer, alors qu’il s’agit en fait, non pas d’une vague, mais d’un vrai raz-de-marée révolutionnaire qui liquidera l’impérialisme dans nos peuples latino-américains (applaudissements).
 
Les contradictions de l’impérialisme ne cessent d’empirer, son discrédit s’aggrave et il s’emberlificote toujours plus dans ses contradictions.

Nous en avons un exemple éloquent dans ce qu’il vient de se passer en Argentine. La « feuille de vigne » est tombée. Sa démocratie représentative vient d’être l’objet d’un des coups de force et de violence les plus éhontés. Jusqu’aux fantoches de l’impérialisme succombent devant l’aggravation des contradictions, devant la violence de la réaction liée à l’impérialisme.
 
Ainsi donc, les forces populaires remportent les élections, mais dès le lendemain les provinces où le régime lié à l’impérialisme a été battu interviennent, et celui qui était le président constitutionnel est renversé de force en quelques jours.
 
La stupeur de quelques farceurs ne peut que nous faire rire. Ce qu’il s’est passé en Argentine met tellement à nu l’impérialisme que l’administration étasunienne paraît absolument déconcertée par ces faits qui ne sont rien d’autre que les fruits de sa politique d’ingérence.

Entre temps, que fait Rómulo Betancourt ? Comment agit-il ? Il retire son ambassadeur d’Argentine, honteux de ces faits, ou plutôt feignant d’en être honteux… Car, qui est Rómulo Betancourt, sinon un agent réactionnaire de l’impérialisme, un assassin d’ouvriers et d’étudiants, un assassin de paysans, qui a jeté des milliers de citoyens en prison, qui maintient à feu et à sang un régime qui brade le pays aux monopoles impérialistes ? Pourtant, comment réagit-il devant le cas argentin ? Eh bien, tout simplement à la manière d’une prostituée repentie (applaudissements). Ce sont-là les contradictions de l’impérialisme en Amérique latine.
 
Que se passe-t-il en Équateur ? Pareil qu’en Argentine. Tout le monde sait qu’Arosemena est arrivé au pouvoir avec l’aide des ouvriers, des paysans et des étudiants. Or, à peine au pouvoir, il installe un gouvernement de réactionnaires, sans un seul étudiant, sans un seul ouvrier, sans un seul paysan. Mais, en tout cas, il était fermement décidé à maintenir des relations avec le Gouvernement révolutionnaire de Cuba, ce qui était la preuve définitive de son attitude comme président.
 
Or, il a suffi de la visite d’un général yankee, du chef des troupes yankees rattachées au Commandement des Caraïbes, à Cuenca, pour que tout change. Qu’est-ce qu’il y a à Cuenca ? Des officiers yankees qui entraînent des troupes antiguérilla. À peine quelques jours plus tard, le président de la République était sommé de rompre ses relations avec Cuba sous la forme d’un ultimatum qu’ont appuyé aussitôt les deux premiers chefs des forces armées, des types archi-réactionnaires.
 
Nous avions reçu des nouvelles d’Équateur, et certaines sont décourageantes. Nous savions que le cabinet était réactionnaire, que les deux principaux chefs de l’état-major de l’armée étaient des réactionnaires alliés à l’impérialisme. Nous savions aussi qu’Arosemena était parfois complètement soûl durant toute la semaine. Nous n’étions pas les seuls à le savoir : le peuple équatorien le savait bien, et les réactionnaires aussi qui en profitaient et publiaient des photos de ce monsieur faisant la nouba et complètement bourré. Pourtant, même s’il avait de moins en moins d’autorité, Arosemena ne cessait de répéter qu’il ne romprait pas les relations avec Cuba, que personne ne l’obligerait à le faire, qu’il n‘était pas Frondizi, qu’il faudrait passer sur son cadavre avant de lui faire rompre les relations avec Cuba. Nous avions confiance dans sa fermeté. Nous ne le considérions pas comme un lâche. Nous estimions au contraire qu’il aurait le courage de s’opposer aux militaires.
 
À ses moments de calme et aussi à ses moments d’ivresse, il n’arrêtait pas de répéter que personne ne lui ferait rompre les relations avec Cuba. Tout indiquait donc qu’il aurait une attitude digne.
 
Nous ne savons pas s’il aura finalement un beau geste au dernier moment, ou pas. Il se peut qu’il réagisse, mais ce sera, hélas, trop tard. À partir du moment où Arosemena a accepté le diktat des militaires et qu’il a rompu avec Cuba, il a cessé d’être un président doté de pouvoir. À partir du moment où il a renoncé à son investiture en faveur des pouvoirs militaires, il est devenu leur prisonnier, car il s’est totalement coupé des masses populaires, des masses ouvrières, paysannes et étudiantes. À partir du moment où il a renoncé à cet appui, il aura bien du mal à s’opposer aux militaires, il aura bien du mal à se libérer des chaînes du militarisme. Avant, il avait le peuple avec lui, et il aurait pu mobiliser les ouvriers, les paysans et les étudiants. Plus maintenant ! Il n’a plus maintenant avec lui que les réactionnaires, que les militaires, qui lui feront en fin de compte pareil qu’à Frondizi. Un beau jour, en pleine biture, ils l’attrapent et le flanquent dans une ambassade !
 
Il se peut même que les militaires agissent avec lui pire qu’avec Frondizi. Car il a été plus lâche que Frondizi, il a moins résisté que Frondizi. Frondizi, ça faisait belle lurette qu’il n’avait plus le peuple avec lui, qu’il n’avait plus et qu’il ne pouvait plus avoir l’appui des ouvriers, des étudiants et des paysans. Arosemena, lui, pouvait avoir et il aurait eu l’appui des forces populaires pour résister aux pressions des militaires, il aurait eu assez de force pour résister. Mais il n’a pas résisté. Il a moins résisté que Frondizi, il a été plus lâche que Frondizi. Lui qui disait qu’il n’était pas Frondizi, il a été moins que Frondizi, et le coup de pied aux fesses que lui flanqueront les militaires sera pire que celui qu’a reçu Frondizi (applaudissements).
 
Voilà, pour les jeunes latino-américains, ce que signifient les écoles d’officier antiguérilla, les entraînements de forces antiguérilla : ce sont des troupes qui servent à s’imposer par la force aux gouvernements, pour contraindre les gouvernements à être toujours plus réactionnaires.
 
Mais est-ce que ça veut dire que les possibilités révolutionnaires s’éloignent ? Non, ça veut dire qu’elles se rapprochent. Est-ce que ça veut dire que les conditions objectives de la révolution latino-américaine disparaissent ? Non, ça veut dire que les conditions objectives de la révolution latino-américaine deviennent toujours plus fortes et plus évidentes ; ça veut dire que les forces se polarisent, que les contradictions s’aggravent, que la vague révolutionnaire s’enfle en Amérique latine, que l’impérialisme exerce toujours plus de pressions sur les gouvernements et se retranche sur des positions plus réactionnaires, qu’il mobilise les secteurs les plus réactionnaires, les militaristes, les gros propriétaires terriens, les exploiteurs et tous les individus les plus négatifs pour les opposer aux peuples.

Est-ce que ça veut dire que ces forces antiguérilla bien entraînées pourront écraser les peuples ? Non, parce qu’on n’a pas encore inventé de tactiques efficaces, d’écoles efficaces contre la révolution, contre la rébellion des peuples, contre la lutte de libération des peuples. Les échecs de l’impérialisme au Viet Nam du Sud, un pays petit en population et en étendue, prouvent qu’il ne pourra pas freiner la lutte d’indépendance des peuples, aurait-il beau organiser des tas d’écoles antiguérilla. Et s’il s’attache à créer des écoles antiguérilla, ça veut dire qu’il a peur des guérillas révolutionnaires, qu’il a peur de la tactique qui a permis le triomphe de la Révolution dans notre pays, qu’il redoute les conditions qui rendront la révolution latino-américaine invincible si celle-ci sait tirer parti de l’expérience de la Révolution cubaine, si elle sait faire siennes  et utiliser, dans un esprit créateur appliqué aux conditions objectives de chaque pays, les tactiques de la Révolution cubaine.
 
En tout cas, un an après le lancement de l’Alliance pour le progrès, les journaux impérialistes eux-mêmes parlent d’ « Alliance qui ne progresse pas ». En fait, c’est bel et bien l’« Alliance du recul », l’ « Alliance de l’échec ».
 
Les sentiments révolutionnaires des peuples latino-américains sont toujours plus forts, les contradictions s’aggravent, le discrédit de l’impérialisme empire, la réaction est de plus en plus faible. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que nous sommes devant un grand moment révolutionnaire, que nous sommes au seuil de la grande révolution latino-américaine, que les peuples latino-américains se sont engagés sur la voie de la libération et que rien ni personne ne pourra les arrêter. Que nous sommes face à un sous-continent qui s’éveille, que nous sommes devant de grandes masses d’ouvriers, de paysans, d’étudiants, de jeunes qui se dressent pour lutter pour les mêmes choses pour lesquelles nous avons lutté, nous, pour faire, tout comme nous, leur révolution contre l’impérialisme, contre le féodalisme et contre l’exploitation.
 
Il est important que nos jeunes soient conscients que leur œuvre, que leur exemple seront utiles, non seulement à notre patrie, mais encore à tous les peuples latino-américains, que nos expériences serviront aussi aux peuples frères latino-américains, aux jeunes latino-américains. D’où l’importance de votre mission : être non seulement les porte-drapeaux de l’avenir, de la société plus parfaite, de la société communiste, les porte-drapeaux des idées de l’avenir, mais être aussi – tout comme l’est notre Révolution – un exemple pour les jeunes latino-américains, être aussi les porte-drapeaux des idéaux de tous les jeunes latino-américains.
 
Vive l’Union des jeunes communistes ! (Vivats.)
 

La patrie ou la mort !
 
Nous vaincrons !

(Ovation.)

VERSIONES TAQUIGRAFICAS