Allocutions et interventions

Discours prononcé par Fidel Castro Ruz pour le Second Anniversaire des Comité de Défense de la Révolution, Place de la Révolution, La Havane, le 28 septembre 1962

Date: 

28/09/1962

 

Compañeros de la tribune ;

Compañeros des Comités de défense de la Révolution (applaudissements),

En ce deuxième anniversaire, nous avons une puissante organisation de masse, digne de l’espoir que la Révolution a placé en elle. Son développement rapide est une preuve éloquente du pouvoir révolutionnaire des masses, de la capacité du peuple à s’organiser.

Les Comités de défense de la Révolution sont devenus une force importante de la Révolution, une tranchée qui inspire le respect aux ennemis de notre patrie ; ils sont aussi devenus une institution nouvelle, une contribution que fait la Révolution cubaine à l’expérience toujours plus riche de l’humanité.

Compte tenu de leurs succès en tant qu’organisation de masse, d’autres peuples du monde s’intéressent à leurs caractéristiques, à leur structure et à leur fonctionnement. Et il ne serait pas étrange que d’autres peuples révolutionnaires créent aussi, le cas échéant, des comités de défense de la révolution pour combattre la contre-révolution (applaudissements).

Nous pouvons dire en ce deuxième anniversaire que les Comités de défense n’ont pas seulement rempli la tâche pour laquelle ils ont été créés, mais qu’ils ont largement dépassé les fonctions prévues – autrement dit défendre la Révolution par leur action et leur vigilance – en devenant aussi les instruments d’une série d’activités sociales. Par exemple, dans le domaine de l’éducation ; dans celui de la santé publique ; dans le recensement des logements ; dans l’organisation des approvisionnements. C’est ça qui a permis de découvrir qu’ils pouvaient réaliser des fonctions administratives, économiques… Bref, leur effort créateur va bien au-delà de leurs objectifs de départ. Leur enthousiasme est proverbial. Dès qu’on leur assigne une tâche, les compagnons s’y attellent aussitôt et on peut être sûr que ce sera avec succès.

Le grand mérite de ce succès réside fondamentalement dans le fait que votre organisation a su trouver ses cadres dans les masses elles-mêmes. En effet, au départ, elle n’avait pas beaucoup de compagnons expérimentés : elle a formé ses cadres en cours de route, découvrant des talents d’organisateurs chez des milliers et des milliers d’hommes et de femmes du peuple.

Ce qui laisse à supposer que votre formidable organisation de masse pourra rendre des services encore plus utiles au pays. Voilà pourquoi aussi bien l’organisation politique de la Révolution que le Gouvernement révolutionnaire lui-même se sont intéressés à la formation de cadres destinés aux CDR, en organisant la première école de cadres (applaudissements), qui compte déjà deux cent quinze élèves. Bref, votre organisation stimule des cadres expérimentés et capables qui amélioreront extraordinairement sa structure et son rendement. À peine fini le premier cours, une autre promotion de cadres ira à cette école.

Nous n’avons aucun doute que, dans les mois à venir, cet effort se fera sentir et que votre organisation sera toujours plus efficace. Ainsi donc, de pair avec les efforts des autres organisations de masse, des syndicats ouvriers, de la Fédération des femmes, des organisations paysanne et étudiante, de l’organisation politique de la jeunesse en plein essor (applaudissements), de l’avancement des travaux concernant la formation du Parti uni de la révolution socialiste (applaudissements), notre Révolution, quand elle arrivera à son cinquième anniversaire – eh ! oui, son cinquième anniversaire, même si ça fait très mal aux réactionnaires et aux impérialistes ! (applaudissements) – quand elle arrivera, donc, à son cinquième anniversaire, le 1er janvier 1963, puisque nous marchons au rythme des débuts d’année, disposera de conditions bien supérieures à celles de cette année-ci, puisque nous aurons un parti fort et bien organisé (applaudissements), appuyé par des organisations de masse qui regroupent l’immense majorité de notre peuple, et que nous pourrons, grâce à cette force développée et organisée, donner une grande impulsion à la Révolution.

Mais ce ne sont pas seulement ces facteurs qui jouent en notre faveur ; le plan économique de 1963 sera plus complet parce qu’il sera fondé sur les expériences, sur les connaissances, sur le grand apprentissage acquis cette année-ci. Et, comme nous espérons aussi que les normes de travail, les barèmes des salaires et les méthodes de contrôle de la production économique seront établis pour 1963, notre pays fêtera son cinquième anniversaire révolutionnaire (applaudissements) dans de meilleures conditions par rapport aux années précédentes.

La Révolution a beaucoup fait ces quatre dernières années, grâce au dynamisme, à l’enthousiasme du peuple ; elle a beaucoup fait malgré des circonstances défavorables, l’agression constante et tous les obstacles que l’ennemi s’est efforcé de poser sur notre chemin. Mais notre peuple peut faire bien plus, car il commence à avoir quelque chose qu’il n’avait pas la première année, ni dans les premiers temps de la Révolution : de l’expérience. Au départ, il avait de l’enthousiasme, du dynamisme, mais enthousiasme et dynamisme ne sont pas tout.

On a fait de grands changements, on a promulgué de nombreuses lois révolutionnaires, mais les changements structurels et les lois révolutionnaires n’opèrent pas tout seuls. Les problèmes ne se règlent pas par l’opération du Saint-Esprit. Les choses, il faut les faire ; les problèmes, il faut les régler.

Et si nous joignons à l’enthousiasme et au dynamisme l’organisation, une conscience supérieure de nos devoirs et l’expérience, alors l’avancée de la Révolution sera plus solide et encore plus rapide. Au fil des années, à mesure que nous comprendrons mieux nos obligations et nos tâches, notre sécurité se renforcera, notre confiance en l’avenir grandira, nos espoirs de succès s’élèveront.

Notre peuple, maintenant plus aguerri, plus conscient, plus mûr, mieux organisé, plus expérimenté, pourra marcher vers un avenir de bien-être et de progrès d’un pas plus ferme et encore plus rapide.

C’est ça qui doit caractériser la cinquième année de la Révolution, qui doit représenter un saut en avant.

Plutôt que de discours, de paroles, il s’agit d’actes. D’actes qui répondent à nos aspirations. Et nous sommes sûrs qu’ils y répondront (applaudissements).

En ce qui concerne nos difficultés économiques, nous avons traversé les étapes les plus difficiles. Je ne veux pas dire par là qu’elles vont disparaître comme ça, du jour au lendemain, je veux dire qu’elles seront désormais moindres, que notre économie s’engage dans un processus de croissance (applaudissements). Nous n’aurons pas aussitôt tout ce dont nous avons besoin, mais nous en aurons du moins toujours plus (applaudissements).

Que notre pays ait traversé victorieusement ces temps difficiles, malgré les efforts de ses ennemis, parle très haut en faveur de notre peuple, mais aussi en faveur de la solidarité internationale des peuples (applaudissements).

Il faut comprendre que la Révolution ne veut pas dire l’essor du luxe, des dépenses somptuaires, des privilèges de certaines minorités, car elle doit travailler pour les masses. L’essor, ça doit être celui des masses !

Ça ne veut pas dire que notre pays aura plus de voitures dans les années à venir : il aura en revanche bien plus d’engins agricoles (applaudissements), bien plus d’engins de construction (applaudissements), bien plus de camions (applaudissements), bien plus de bateaux de pêche (applaudissements), bien plus de cargos (applaudissements). Ce dont notre peuple a besoin, ce n’est pas d’articles de luxe, d’articles pour minorités (applaudissements), mais d’instruments de travail, de bien plus d’usines (applaudissements), qui sont les seules choses qui peuvent garantir le progrès, non d’une minorité, mais celui des masses (applaudissements).

Quand le travail et les instruments de travail d’un pays produisent pour une minorité, celle-ci voit ses richesses et son bien-être grandir rapidement ; mais quand les ressources humaines et les instruments de travail d’un pays travaillent pour toute la nation, et quand ceux qui progressent ne sont pas quelques-uns, mais tout le monde, et quand ce qui existe est réparti non entre quelques-uns, mais entre tous (applaudissements), l’essor sera progressif, mais tout le monde en sera bénéficiaire.

La société que nous avons connue n’était pas comme ça : dans cette société-là, le peuple travaillait pour quelques-uns, qui progressaient et avaient de tout : ils ont bâti des milliers de villas somptueuses, acheté des dizaines de milliers de voitures de luxe, consommé ce qu’il y avait de meilleur dans le monde. Logiquement, aucun d’eux ne se sentirait bien ici, maintenant, et ça, n’importe quel homme ou n’importe quelle femme du peuple le comprend. Mais allez demander son avis au paysan qui était pieds nus, qui ne savait pas lire ni écrire, que n’avait pas, je ne dis pas une voiture, mais même pas une ampoule allumée chez lui, ni un médecin, ni un chemin, ni une aide. Ou alors à l’ouvrier père d’une famille nombreuse qui vivait dans un quartier de miséreux, et qui peut vivre maintenant dans un appartement de trois ou quatre pièces, avec un loyer très bas.

Autrement dit, ceux qui faisaient partie de cette minorité qui avait de tout ne peuvent pas se sentir à l’aise dans une révolution comme celle-ci. Mais ceux qui n’avaient rien et qui ont quelque chose aujourd’hui, et qui savent qu’ils auront plus chaque jour pensent très différemment (applaudissements). Et c’est pour eux que se fait la Révolution, c’est pour eux que la Révolution lutte et travaille.

Et il faut dire que cette majorité a eu une confiance indestructible envers la Révolution (applaudissements), qu’elle a su passer les épreuves difficiles (applaudissements), qu’elle ne s’est jamais découragée, qu’elle n’a jamais fait preuve de lâcheté, qu’elle est restée ferme (applaudissements).

La minorité a flanché, a tremblé, a pris la fuite pour une bonne part. Certains ont perdu confiance, se sont découragés, ont pris peur. Et l’avenir ne leur appartient pas et ne leur appartiendra pas (applaudissements). Pas plus, d’ailleurs, que la victoire. Ces gens-là ne comptent pas dans l’histoire (applaudissements). La victoire appartient à ceux qui sont résolus (applaudissements), à ceux qui sont courageux. La victoire appartient et appartiendra toujours aux masses (applaudissements).

C’est ça qu’il faut dire. Et les preuves de nos succès, ce sont nos ennemis eux-mêmes qui nous les apportent.

Après cette attaque lâche d’avril de l’an dernier, les impérialistes ont placé toute leur confiance et tous leurs espoirs dans les conséquences du blocus économique. Comme ils avaient pris soudain des mesures économiques brutales contre notre peuple, comme ils avaient privé notre pays de ses marchés traditionnels, non seulement du leur, mais aussi d’autres marchés, en vue de quoi ils ont fait tous les efforts possibles et imaginables, comme ils avaient interdit catégoriquement d’exporter des pièces de rechange ou des matières premières destinées à des industries qui en ont besoin, notamment dans le transport, et parfois mêmes des pièces irremplaçables compte tenu de la structure des usines en question, ils avaient fermement l’espoir de nous vaincre, de nous faire plier, ils espéraient que la faim, les maladies et la pauvreté s’empareraient de notre pays, et que notre peuple, par conséquent, loin de braver de toute sa dignité leurs agressions, se retournerait, non contre ses agresseurs, mais contre ceux qui luttent pour ses destinées et pour son sort (applaudissements), qu’il se retournerait contre une Révolution qui s’est faite du sang et de l’héroïsme de ses meilleurs enfants (applaudissements) et qui a brisé les chaînes ignominieuses asservissant notre patrie.

Ils ont imaginé que ce peuple-ci se retournerait, non contre ceux qui l’enchaînaient et qui veulent l’enchaîner de nouveau, mais contre la Révolution qui a brisé ses chaînes. Ils ont cru que cette tactique lâche, que cette stratégie inhumaine visant à faire plier un peuple qui n’a commis d’autre crime que celui de souhaiter la justice (applaudissements), de souhaiter son progrès, d’être maître de ses destinées, d’éliminer de sa patrie la misère, l’inculture, le vice et l’exploitation humaine dans lesquels il vivait, de supprimer la société aux privilèges répugnants où il vivait (applaudissements), ils ont cru, donc, que cette stratégie inhumaine qu’ils ont menée avec acharnement contre un petit peuple les conduirait au succès.

Presque deux ans et demi se sont écoulés depuis cette invasion criminelle, mais l’encerclement économique, la stratégie de la faim ne donnaient aucun résultat. Voilà pourquoi les ennemis de notre peuple ont commencé à désespérer.

Leurs espoirs de détruire la Révolution par la faim et l’encerclement économique s’étant évanouis, les périls d’une attaque armée renaissaient. Mais comme cette attaque armée ne pouvait plus se faire avec des mercenaires parce que la capacité combative de notre peuple avait tellement grandi qu’une invasion semblable serait liquidée en quelques minutes (applaudissements), le danger le plus grave était celui d’une attaque directe.

Compte tenu, donc, du désespoir accru des impérialistes devant l’échec de leur stratégie de la faim, de la subversion et de l’attaque indirecte, le danger d’une attaque directe devenait leur mesure ultime et la plus désespérée.

Alors, que voulaient les impérialistes ? Que nous nous croisions les bras ? Que nous jouions le rôle de tendres agneaux ? Que nous restions désarmés ?

Qui ne sait que, dès le début, les impérialistes ont cherché à nous empêcher de nous armer ? Qui ne sait que, tout en entraînant leurs mercenaires au Guatemala, ils ont fait exploser le vapeur La Coubre pour que nous ne puissions pas nous armer, assassinant quatre-vingts soldats et travailleurs ? (Applaudissements.)

S’ils pensaient à nous attaquer, il était logique qu’ils veuillent nous empêcher de nous procurer des armes.

Mais pourquoi disais-je que, par leurs paroles et leurs actes, nos ennemis reconnaissent nos succès ? Parce que si les impérialistes croyaient étouffer la Révolution par la faim, s’ils croyaient que la Révolution échouerait, qu’elle s’effondrerait devant les obstacles, ils ne parleraient pas tant d’une invasion, ils ne proclameraient pas si haut leurs intentions bellicistes. En voulant nous agresser, en voulant nous attaquer, ils reconnaissent que la Révolution va de l’avant, que la Révolution triomphe (applaudissements), que la Révolution progresse. S’ils croyaient à leurs affirmations, s’ils croyaient que la Révolution allait s’effondrer sous l’impact de leurs agressions économiques, à quoi ça rimerait de dépêcher des soldats et des bâtiments de guerre, d’établir un blocus naval ! À quoi ça rimerait si la Révolution devait échouer, si la Révolution devait s’effondrer !

L’énorme vacarme, voire l’hystérie qu’ont déclenchés les milieux dirigeants aux États-Unis prouvent mieux que tout qu’ils n’y croient pas, qu’ils sont convaincus que la Révolution cubaine a traversé avec succès ses plus grandes difficultés et qu’elle va de l’avant (applaudissements). Et c’est pour eux une réalité très douloureuse, et ça faisait peser sur nous un danger : qu’en proie au désespoir, après l’échec de leurs campagnes de subversion, de leurs attaques indirectes, de leurs agressions économiques, ils commettent la folie d’envahir notre pays militairement. Et messieurs les impérialistes – dont la logique est tout à fait spéciale et bien à eux – ont pensé que, face à leurs visées agressives, notre devoir à nous est de baisser la garde et de nous désarmer. De quoi s’indignent les impérialistes ? Tout simplement que notre peuple s’arme, que notre peuple prenne toutes les mesures pour défendre sa sécurité (applaudissements).

Inutile de parler de logique, de parler de raisons. N’importe qui comprend que les faits et gestes des impérialistes ne s’ajustent à aucune logique, à aucune raison, à aucun droit. Ils parlent de leur sécurité. Est-il sensé que ce pays-là parle du nôtre comme un danger à sa sécurité ? N’est-ce pas, non seulement un argument ridicule, mais aussi un argument de lâche ? N’est-ce pas une honte que messieurs les sénateurs, que messieurs les dirigeants d’un pays puissant qui maintient des forces militaires dans des dizaines d’endroits du monde et qui dépense cinquante-cinq milliards de dollars en armements, affirment que notre pays constitue un danger pour sa sécurité ? Et qui, par-dessus le marché, menace de nous attaquer pour cette raison, autrement dit parce que notre pays – qui peut parler de sa sécurité avec mille fois plus de raison – s’arme ? (Applaudissements.) Nous, nous ne dépensons pas cinquante-cinq milliards en armes et en armées. Eux qui dépensent des centaines de fois plus que nous, comment peuvent-ils dire que notre pays constitue une menace pour leur sécurité ? C’est si absurde et si ridicule que ça ne peut sortir que de la tête de ces messieurs. Ils ont si peu d’arguments et de raisons qu’ils en arrivent à sortir cet argument.

C’est quoi qui leur fait mal ? De quoi protestent-ils ? Est-ce par hasard parce que leur sécurité est vraiment en danger ? Non. Ce qui leur fait mal, ce pour quoi ils protestent, c’est parce que nous nous armons. Oui, mais pourquoi ? Parce qu’ils avaient bel et bien l’intention de nous attaquer. Seul celui qui se propose d’agresser un autre pays peut protester parce que celui-ci s’arme pour se défendre et prend les mesures nécessaires pour se défendre (applaudissements). Ils protestent parce que nous sommes prêts à nous défendre.

En plus du droit absolument légitime de n’importe quel peuple de prendre les mesures nécessaires pour préserver son intégrité, qu’est-ce qu’ils se croient, les impérialistes, pour décider si nous avons le droit de nous armer ou pas ? (Applaudissements.) Qu’est-ce qu’ils se croient, les impérialistes, pour décider sur des questions à nous ? Quand finiront-ils par comprendre que Cuba ne fait pas partie des États-Unis ? (Applaudissements.) Qu’ici, chez nous, leurs lois, leurs accords n’ont aucune validité ? Depuis quand le Sénat d’un pays, le Congrès d’un pays, le gouvernement d’un pays peuvent-ils dire à un pays libre et souverain ce qu’il doit faire ou ne pas faire ? (Applaudissements.) De quel droit un pays agresseur peut-il décider des mesures que le pays agressé a le droit de prendre pour s’en défendre ?

De toute évidence, le monde qui tient dans le cerveau d’un sénateur ou d’un représentant yankee n’est pas rond : il est en forme d’entonnoir, avec le bout évasé pour eux et le bout étroit pour tous les autres !

Il est possible que l’inculture, l’ignorance, l’irresponsabilité… Parce que ces messieurs, en plus d’être réactionnaires, impérialistes, va-t-en-guerre, usuriers, trafiquants de morts (remous dans la foule), sont aussi des irresponsables, des archi-irresponsables. Bien entendu, comme il y a bientôt des élections aux États-Unis, la politicaillerie commence à jouer. Que font donc les politiciens ? Tâcher de semer la haine et l’hystérie, tâcher de pousser leur pays à une agression, afin d’en tirer des dividendes politiques, chaque parti contre les autres. À la Chambre et au Sénat, on assiste à une vraie course à l’irresponsabilité, ils rivalisent entre eux pour savoir qui criera le plus, qui sera le plus hystérique, qui jouera la mieux le « rôle de l’ours » par rapport à la Révolution cubaine (applaudissements), et tous influencés en bonne partie par les élections qui se dérouleront en novembre.

Peu leur importe de jouer à quoi ils jouent, peu leur importe de jouer avec la paix du monde, peu leur importe de jouer avec les destinées de leur peuple : ils jouent à la guerre, ils dansent au bord même de la guerre, au bord d’un précipice. Si c’était seulement eux-mêmes qui tombaient dans le précipice ! Mais le hic, c’est qu’ils font danser leur propre pays au bord du précipice.

Nous, un danger pour la sécurité des États-Unis ? C’est si ridicule que ça ne vaut même pas la peine de faire un commentaire. Ceux qui constituent un danger pour la sécurité des États-Unis, ce sont bel et bien ces messieurs qui jouent à la guerre, qui excitent l’hystérie contre Cuba (applaudissements), qui veulent pousser leur gouvernement à une aventure belliciste. Eux, oui, sont un danger pour la sécurité des États-Unis ! Le danger, le véritable danger, c’est leur politique, leurs agressions, leurs méfaits, leurs visées agressives ! Tout le reste, c’est purement et simplement de la sottise, de l’ignorance, de l’irresponsabilité.

Nous, qui sommes des hommes conscients, un peuple conscient, nous ne pouvons pas souhaiter une guerre. Nous, comme peuple qui s’attache à travailler pour ses destinées et son avenir, nous avons besoin de la paix, nous avons besoin de disposer de nos énergies et de notre temps pour travailler, pour produire, pour étudier, pour progresser.

Nous ne pourrons jamais être, non seulement pour nos propres intérêts, mais encore pour ceux de toute l’humanité, nous ne pourrons jamais être la cause d’aucun conflit, d’aucune guerre, nous n’attaquerons jamais personne. C’est de la logique. Ça oui, c’en est ! (Applaudissements.) N’importe quelle personne consciente le comprend, n’importe quelle personne sensée… Elle comprend aussi quels sont les droits de notre peuple, elle comprend que le monde n’a pas une forme d’entonnoir, mais qu’il est rond et que, par conséquent, nos droits ne peuvent pas être inférieurs à ceux d’aucun autre peuple, d’aucun autre pays souverain. Les droits de notre pays ne peuvent pas être inférieurs à ceux des États-Unis.

S’ils croient avoir plus de droits que nous, c’est uniquement parce qu’ils se sentent un pays plus puissant, qui a plus d’armées, plus d’armements, plus de ressources à investir sur le plan militaire. Bref, le droit de la force ! Tout ce qu’ils disent et tout ce qu’ils font prouvent que la mentalité des dirigeants étasuniens est inspirée par la force. Aujourd’hui, bas les masques ! Nous n’avons même pas besoin de dénoncer les dangers qui pèsent sur notre pays parce qu’ils se sont chargés de prouver au monde entier que nous avions absolument raison !

Qu’est-ce qu’ils ont fait ces dernières semaines, entre hystérie et criailleries ? Ils ont adopté un train de mesures insensées, ils ont fait une série de déclarations qui sont tout un marathon d’actes irresponsables, de pressions sur de nombreux pays du monde pour que leurs cargos ne transportent pas de marchandises à Cuba. Quel mérite, quelle gloire, quel honneur pour un grand pays, pour un pays puissant, de trotter par le monde, de gouvernement en gouvernement, pour exiger des compagnies commerciales qu’elles ne fassent pas de commerce, entravant un droit et une norme et un intérêt de l’humanité ! Parce que l’intérêt de l’humanité est d’avoir des relations commerciales entre les pays, l’intérêt de l’humanité c’est le trafic commercial, l’intérêt de toutes les nations, c’est de faire du commerce. Dans beaucoup de pays, la marine marchande est l’une des principales sources de revenus.

Ainsi donc, les représentants du gouvernement yankee trottent à travers le monde, exerçant des pressions sur les compagnies pour qu’elles ne transportent pas d’aliments à Cuba. Quelle gloire vont-ils tirer d’actions pareilles ! Quel prestige !

Ils ont aussi convoqué les ministres latino-américains des Affaires étrangères, à huis clos, au département d’État, en conciliabules secrets. Oui, vraiment, bas les masques !

Par ailleurs, la Chambre et le Sénat ont adopté une résolution conjointe, agressive, cynique, interventionniste, dans laquelle ils disent ouvertement, sans le moindre scrupule, entre autres choses, qu’ils vont aider les contre-révolutionnaires.

Bien sûr, rien de tout ça n’est nouveau, ils le faisaient déjà. Nous, nous le disions, et eux prétendaient que non, que c’était des calomnies de notre part. Finalement, ils ont fini par dire, avec cynisme et sans scrupule, ce qu’ils ont fait jusqu’à maintenant (applaudissements), un point c’est tout.

Et tout se déroule dans un climat de déséquilibre mental, de basse politique, d’irresponsabilité et d’ignorance. Ces messieurs ne savent pas dans quel monde ils vivent ni l’heure qu’il est. Certains de ces messieurs croient vivre voilà quatre-vingts ans, voilà soixante ans. Ils ne savent même pas que les années s’écoulent et que le monde a changé. Est-ce qu’ils croient vivre au début du siècle au grand démarrage de l’impérialisme, à l’époque où leurs marines, leurs soldats débarquaient dans n’importe quel pays d’Amérique centrale ou dans n’importe quelle île des Caraïbes comme ça leur chantait ? Est-ce qu’ils rêvent, ces messieurs délirants, que nous sommes encore à l’époque de la colonie espagnole ? Est-ce qu’ils ont la nostalgie de cette époque où ils pouvaient agir à leur guise, de cette époque où, par traîtrise, ils ont escamoté à notre pays sa souveraineté au terme de trente années de luttes héroïques, de cette époque où ils ont humilié nos glorieux généraux mambis, où ils nous ont imposé l’Amendement Platt ? Est-ce qu’ils ont la nostalgie de l’époque où un simple mot de leur ambassadeur ici faisait trembler les politiciens et les gouvernants ?

C’est un fait : avant, l’ambassadeur yankee ouvrait la bouche et les politiciens tremblaient. Maintenant, il n’y a plus d’ambassadeur, ils l’ont fait partir, parce que, comme il ne pouvait plus donner d’ordre, il ne servait à rien. En tout cas, ce sont maintenant les sénateurs, les représentants, les généraux qui prennent la parole, et personne ici ne prend peur, personne ne s’effraie pour autant. L’insanité de ces messieurs et leur absence totale de raison sont si claires et si évidentes pour nous, et la raison historique et morale et légale qui nous accompagne l’est aussi tant que leurs accords, leurs déclarations et leurs menaces ne nous font ni chaud ni froid.

Ces messieurs sont une espèce de plaie, de maladie. L’impérialisme est la maladie du monde contemporain. Les dangers qu’entraîne la politique belliciste des impérialistes constituent un sérieux problème pour tous les peuples à l’époque contemporaine. Oui, ils sont une sorte de plaie, de maladie ! Le monde connaît des maladies de toutes sortes, des plaies, des dangers naturels, et l’humanité lutte contre ça, n’a pas peur pour autant.

Ce serait un malheur pour l’humanité que le jeu de ces messieurs, que leur politique, que leur chantage conduisent le monde à une guerre. Ce serait regrettable non seulement pour nous, pour notre peuple, mais aussi pour toute l’humanité, pour tous les peuples du monde, et aussi pour le peuple étasunien lui-même.

Parce que ces irresponsables, ces inconscients, qui ne comprennent pas l’époque que vit le monde, qui ont des conceptions du droit international si anachroniques constituent un danger pour l’humanité, un danger pour leur propre peuple qui risque d’être victime de leur politique stupide, de leur politique irresponsable.

En tout cas, devant ce danger, devant ce fait réel qui menace l’humanité, quelle doit être notre attitude ? Bien entendu, ne pas causer d’incidents, ne pas jeter de l’huile sur le feu, vivre en paix tout simplement, vivre en paix avec tous les peuples du monde et travailler au progrès de notre pays (applaudissements).

Mais qu’elle est absurde, leur politique ! Alors que notre pays souscrit un accord commercial, un accord scientifique et de coopération avec l’Union soviétique pour développer notre flotte de pêche (applaudissements), ces messieurs s’arrachent les cheveux. Alors que notre peuple commence pratiquement à consommer le fruit de ces accords, autrement dit commence à consommer plus de poisson, les impérialistes deviennent encore plus hystériques, continuent de s’agiter, irresponsables et hystériques. Même les bateaux de pêche leur font peur maintenant ! Ils vivent en fait dans un état d’hystérie, de peur, intoxiqués par leurs conceptions réactionnaires et en proie au désespoir devant le fait réel que les peuples s’éveillent, ne se résignent plus à l’esclavage. Oui, ces messieurs constituent bel et bien un danger, un foyer de risques pour toute l’humanité.

Quelle doit être notre attitude, donc ? Sereine, mais résolue (applaudissements). Baisser la garde ? Non ! (La foule réagit.) Lever la garde ? (La foule réagit.) Nous désarmer ? Non ! (La foule réagit.) Nous armer davantage ? Oui ! (La foule réagit.) Nous tourner les pouces ? Non ! (La foule réagit.) Prendre toutes les mesures nécessaires pour freiner les impérialistes, pour contenir leur attaque ? (La foule réagit.)

Si les impérialistes croient que leurs menaces voient avoir de l’effet, alors nous leur disons simplement : « Messieurs, retournez-vous sur votre oreiller, arrêtez de rêver ! » Tout ce qu’ils obtiennent en nous menaçant, c’est que nous soyons toujours plus en garde (applaudissements) et que nous adoptions plus de mesures. En nous menaçant, ils justifient notre droit et nous donnent raison. Est-ce qu’ils croient, ces messieurs, que parce qu’ils se consacrent sans la moindre pudeur à recruter des vermines dans leur armée de métier, ils vont faire peur à notre peuple ? Non ! S’ils ont peur, eux, s’ils voient des fantômes, grand bien leur fasse. En tout cas, pour nous, ils ne sont pas des fantômes, ils sont bien réels, mais ils ne nous font pas peur pour autant ! (Applaudissements.) Ils vont se heurter à un peuple bien décidé à se défendre, à un peuple qui ne va pas baisser la garde. Face à leur conception du droit fondé sur la force, la nôtre est celle du droit fondé sur la justice et sur la dignité (applaudissements). Face aux visées agressives de nos ennemis, nous sommes fermement et irréductiblement décidés à nous défendre. Notre peuple ne permettra pas qu’on lui escamote la liberté et la souveraineté qu’il a payées si cher ! (La foule crie : « Non ! ») Notre peuple, qui se sent maître de ses destinées et qui vit épris de l’avenir, ne renoncera pas à l’avenir (applaudissements), ne renoncera pas à sa dignité. Au contraire – et que ces messieurs le sachent ! – tout homme digne et toute femme digne de notre patrie renoncera plutôt mille fois à la vie qu’à la dignité ! (Applaudissements.) Plutôt mille fois à la vie qu’à la patrie libre ! Plutôt mille fois à la vie qu’au droit d’aller par le monde le front haut ! (applaudissements) Il préférerait plutôt mille fois renoncer à la vie que vivre dans la servitude ! Il préférerait plutôt mille fois la mort à la vie de chiens esclaves ! (Applaudissements.)

Voilà ce que nous sentons, voilà ce que nous proclamons. Ce n’est pas pour rien que, au siècle dernier, nos mambis ont écrit dans l’hymne national : « Vivre dans les chaînes, c’est vivre dans l’opprobre et l’affront plongés ; mourir pour la patrie, c’est vivre » ! (Applaudissements.) Et cette patrie-ci, cette patrie maintenant à nous, nous sommes décidés à la défendre de notre sang, de notre vie ! (Applaudissements.) Nous sommes prêts à la défendre jusqu’à notre dernier souffle ! Nous sommes prêts à la défendre coûte que coûte ! Nous, autrement dit le peuple, et aux côtés du peuple, le Gouvernement révolutionnaire ! (Applaudissements.)

Et nous affronterons les risques qu’il faudra, conscients d’avoir raison et de notre dignité. Tout soldat yankee qui mourra en envahissant cette terre mourra en criminel, mourra en envahisseur, mourra comme meurent ceux qui foulent les droits d’un peuple ! (Applaudissements.) Tout Cubain qui tombera mourra en patriote, mourra en héros, mourra en défendant sa terre ! (Applaudissements et cris de : « Fidel ! Fidel ! ») Tout Yankee qui envahira notre terre mourra en pirate aux yeux du monde, mourra en bandit ! Tout Cubain qui mourra en défendant sa terre mourra auréolé de gloire, fort de son droit et accompagné de la sympathie des peuples du monde ! (Applaudissements.)

Et s’ils viennent, s’ils viennent… (cris de : « Ils y restent ! »), de nombreux Yankees vont mourir, parce qu’ils ne nous prendrons pas par surprise (cris de : « Non ! »), ils ne nous surprendrons pas désarmés, ils ne nous surprendront pas distraits !

Demain, le Gouvernement révolutionnaire ripostera comme il se doit à la déclaration cynique du gouvernement étasunien ! (Applaudissements et slogans de : « Fidel, c’est sûr, sur les Yankees tape dur ! »)

Si les impérialistes attaquent, chaque fusil, chaque canon, chaque DCA, chaque char sera prêt à répondre ! (Applaudissements.) Et partout, dans tous les recoins de notre patrie, les hommes et les femmes de notre peuple se dresseront contre les agresseurs et lutteront jusqu’à ce que les agresseurs soient exterminés ! (Applaudissements.)

Pour les envahisseurs de la patrie cubaine, il n’y aura pas de paix, il n’y aura pas de trêve, parce que dans la conscience de chaque homme, de chaque femme, de chaque jeune, de chaque personne âgée, il ne sera gravé qu’un seul devoir, que le seul devoir : exterminer les agresseurs ! (Applaudissements.)

Si les impérialistes nous attaquent, nous ferons notre devoir. Si nous devons être victimes de l’agression, nous saurons être à la hauteur du moment et nous saurons écrire la page d’histoire qui nous est échue. Comme Cubains, nous jouerons notre rôle, et nous savons que les forces éprises de paix, que les forces qui résistent aujourd’hui aux folles aventures bellicistes et qui les freinent seront avec nous ! (Applaudissements.)

Si les impérialistes croient que les mises en garde du gouvernement soviétique sont des mots creux (applaudissements), si les impérialistes ne le croient pas – et souhaitons qu’ils le croient ! – si les impérialistes mésestiment la solidarité de l’Union soviétique avec Cuba, s’ils se trompent – et espérons qu’ils ne se trompent pas ! – s’ils ne le croient pas, s’ils ne le savent pas, nous autres, oui, nous savons jusqu’où va cette solidarité !

La patrie ou la mort !

Nous vaincrons ! (Ovation.)

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